Alain Borne
La plaidoirie de la brûlure
Je me couche dans la poussière, les yeux fermés
La nuit sera totale, tant que l’aube
Et le grand jour de ta chair
Ne passeront pas au-dessus de moi
Comme un vol de soleils. Alain Borne
Il est des poètes que l’on dit poètes mineurs mais qui chantonnent en vous obstinément. Eux qui ne semblent n’avoir laissé qu’orties sur le temps, promesses envolées. Alain Borne, entrevu à Aix en Provence, était de ceux-là. Il sera l’homme d’un métier, celui d’avocat, mais sa parole de poète ne faisait pas trace à l’éloquence. Il fut compagnon de route et d’utopie de Pierre Seghers avec qui il crée en pleine résistance Poésie 40 et la suite. Il participe en 1946 au Comité National des Écrivains. Il côtoie Aragon qui lui dédie un poème dès 1941 :
Pour un chant national
Alain vous que tient en haleine
Neige qu’on voit en plein mois d’août
Neige qui naît je ne sais d’où
Comme aux moutons frise la laine
Et le jet d’eau sur la baleine
Vous me faites penser à ce poète qui s’appelait Bertrand de Born
presque comme vous
Alain Borne un pays sans borne
Ressemble à votre poésie...
Presque
comme
vous »
Mais c’est lui qui a basculé dans l’oubli presque 45 ans après sa mort dans un accident d’automobile, le 21 décembre 1962, sur cette route nationale prés d’Avignon, et qu’il prenait sans cesse pour aller plaider dans tout le Sud. Les cloches de Noël, qu’il aimait tant, ont retenti à son enterrement.
Il est l’archétype de l’homme pris entre l’aliénation de son passé génétique et professionnel et ses courants d’air de la jouissance charnelle et de la peur de la mort. Il était né le 12 janvier 1915 à Saint-Pont, près de Vichy avant de s’établir à Montélimar. Son absence du paysage littéraire français vient aussi du fait qu’il n’avait pas fait la cour aux éditeurs parisiens, erreur mortelle en ce pays aux « hideuses provinces».
Pierre Seghers qui fut intime avec lui le considérait au moins comme l’égal de Paul Eluard, qui aimait lui aussi ce noir chevalier de colère et d’amour qui tressait tant de tendresse. Aragon qui découvrit "Neige" en 1941 l’encensa, mais surtout le rugueux René Char qui parlant "des beaux et poignants poèmes d’Alain Borne dit ceci « la mort l’avait amarré à elle solidement et ses lendemains étaient pris par elle »
Sa peur de la mort non pas d’elle en tant qu’elle, mais plus de la disparition et son néant qui l’accompagne, du corps à corps qu’il mènera sans trêve avec l’amour, lui auront fait dire ce qu’avait dit Boris Vian :
Je voudrais pas crever
Avant d’avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux. (Boris Vian)
Et Borne le dit ainsi :
Mes lèvres ne peuvent plus s’ouvrir
que pour dire ton nom
baiser ta bouche
te devenir en te cherchant.
Tu es au bout de chacun de mes mots
tu les emplis, les brûles, les vides.
Te voici en eux
tu es ma salive et ma bouche
et mon silence même est crispé de toi.
Je me couche dans la poussière, les yeux fermés
La nuit sera totale, tant que l’aube
Et le grand jour de ta chair
Ne passeront pas au-dessus de moi
Comme un vol de soleils. Alain Borne
Il est des poètes que l’on dit poètes mineurs mais qui chantonnent en vous obstinément. Eux qui ne semblent n’avoir laissé qu’orties sur le temps, promesses envolées. Alain Borne, entrevu à Aix en Provence, était de ceux-là. Il sera l’homme d’un métier, celui d’avocat, mais sa parole de poète ne faisait pas trace à l’éloquence. Il fut compagnon de route et d’utopie de Pierre Seghers avec qui il crée en pleine résistance Poésie 40 et la suite. Il participe en 1946 au Comité National des Écrivains. Il côtoie Aragon qui lui dédie un poème dès 1941 :
Pour un chant national
Alain vous que tient en haleine
Neige qu’on voit en plein mois d’août
Neige qui naît je ne sais d’où
Comme aux moutons frise la laine
Et le jet d’eau sur la baleine
Vous me faites penser à ce poète qui s’appelait Bertrand de Born
presque comme vous
Alain Borne un pays sans borne
Ressemble à votre poésie...
Presque
comme
vous »
Mais c’est lui qui a basculé dans l’oubli presque 45 ans après sa mort dans un accident d’automobile, le 21 décembre 1962, sur cette route nationale prés d’Avignon, et qu’il prenait sans cesse pour aller plaider dans tout le Sud. Les cloches de Noël, qu’il aimait tant, ont retenti à son enterrement.
Il est l’archétype de l’homme pris entre l’aliénation de son passé génétique et professionnel et ses courants d’air de la jouissance charnelle et de la peur de la mort. Il était né le 12 janvier 1915 à Saint-Pont, près de Vichy avant de s’établir à Montélimar. Son absence du paysage littéraire français vient aussi du fait qu’il n’avait pas fait la cour aux éditeurs parisiens, erreur mortelle en ce pays aux « hideuses provinces».
Pierre Seghers qui fut intime avec lui le considérait au moins comme l’égal de Paul Eluard, qui aimait lui aussi ce noir chevalier de colère et d’amour qui tressait tant de tendresse. Aragon qui découvrit "Neige" en 1941 l’encensa, mais surtout le rugueux René Char qui parlant "des beaux et poignants poèmes d’Alain Borne dit ceci « la mort l’avait amarré à elle solidement et ses lendemains étaient pris par elle »
Sa peur de la mort non pas d’elle en tant qu’elle, mais plus de la disparition et son néant qui l’accompagne, du corps à corps qu’il mènera sans trêve avec l’amour, lui auront fait dire ce qu’avait dit Boris Vian :
Je voudrais pas crever
Avant d’avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux. (Boris Vian)
Et Borne le dit ainsi :
Mes lèvres ne peuvent plus s’ouvrir
que pour dire ton nom
baiser ta bouche
te devenir en te cherchant.
Tu es au bout de chacun de mes mots
tu les emplis, les brûles, les vides.
Te voici en eux
tu es ma salive et ma bouche
et mon silence même est crispé de toi.
L’amour et la poésie sans borne
Alain Borne aura aimé le palais idéal de l’amour et celui du facteur Cheval, la peau des femmes et celle des harengs. Il aura voulu écrire car pour lui écrire « C’est contre la mort que j’écris, comme on écrit contre un mur. C’est contre la mort que j’écris » (la nuit me parle de toi). Il aura tant douté « Pourquoi est-ce en tant de mots que je n’ai rien dit ? ». Sa parole ne s’entend plus, peut-être le voulait-il ainsi. « Si je savais ce qu’est l’amour, je me tairais longuement. » et les mots d’Alain Borne seront toujours posés sur les jupes des femmes et à la margelle de la mort.
Sous les costumes impeccables et mornes, sous la robe d’avocat, sous tout le poids de cette province de Montélimar secrète et hautaine, vivait en exil perpétuel un poète tremblant du désir des femmes et hurlant de peur de disparaître. Ce grand écart entre un grand bourgeois, plus ou moins raide comme le justice et la poésie sonnante et trébuchante qu’il écrit amplifiera certainement ses fossés intérieurs. Mais avocat il restera sur ses hauteurs éthiques et sera la parole des prévenus FLN, et toujours avocat de la défense jamais de l’accusation.
Corseté dans son personnage et enfermé dans son moi, il aura écrit des textes inégaux mais beaucoup sont des écrits majeurs. Il refusait des influences trop vite collées à sa poésie (Valery, Saint-John Perse,..), il était plus près de Milosz et de Rilke et aussi du réel vu comme Michaux et de la révolution intérieure malgré sa silhouette caricaturale de bourgeois et de haut membre du Rotary Club, ce qu’il fut si longtemps. Homme bien, homme de biens, beau parleur en plaidoirie, toujours sur ses gardes, il était en grand désespoir en fait. Il ne se livrait presque pas à ses amis, encore moins à ses auditeurs quand il lui advenait de faire lecture. De haut de sa haute taille il voyait au loin les hauteurs inaccessibles.
« Pour moi la poésie seule est la vie, tout le reste est subsistance »
Solitaire il sera, même en poésie. Brillant, il n’aspirait qu’au silence. Il était toujours de l’autre côté des miroirs et des apparences.
« Il est inutile de crier. Le piège est profond et je descends en chantant, sachant que c’est un piège et que je ne retrouverai jamais l’air libre où les étoiles tremblent comme des yeux que le vent touche »
Pourtant cette peur de se livrer s’efface quand on lit simplement certains de ces poèmes. Et ses mots en marge de la vie première deviennent révélateurs. il aura vraiment vécu dans la panique des poèmes et l’odeur des femmes. A-t-il d’ailleurs eu une enfance ? La sienne aura été dans l’aura de sa mère, sa surprotection aussi. Il ne lui survivra qu’un an. Il aura été élevé, enfant unique, par des femmes exclusivement et ensuite au travers du corps des autres femmes il recherchera cette douceur première. Sa faim et sa soif des femmes ne seront jamais comblées, et l’absence toujours triomphera.
Il ne voyait l’amour que comme il doit être vu : comme la foudre. Il sera ivre de femmes, de peinture, de vie et de mort.
Lourde, lourde était la province pesant sur ses épaules avec toutes les fenêtres qui vous épient, ce Montélimar bien pensant et la tradition familiale qui en faisait un homme gris, mais un homme bien comme il faut aux yeux des futiles. Son pessimisme deviendra un chant de plus en plus grave et concentré :
« Tu es pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon néant ». Cette horreur du trou béant et de la vermine à nous accueillir le terrorise. Et la vie sera cela :
C’est le passage du noir au noir à travers de la lumière que je chante. Écoutez mon histoire elle va de la mort à la mort, mais j’ai vécu et surtout « je sais que tout est néant, mais j’aime le néant et je le chante.
Il est fermé, sa poésie se veut dense et énigmatique, avec pourtant tant de bouteilles à la mer, qu’un autre Alain Borne sourd à chaque vers. Celui pris vif dans le triangle sacré de l’amour, de la mort et du rêve. L’enfance et les saisons viendront se perdre dans ce triangle. Il aura couru "à la remorque de son sexe et de son espoir, cherchant au-devant de lui la pointe irréelle du triangle". Nous en sommes sans doute tous là.
Je fais taire mes jours, j’écoute la montagne...Je voudrais que ce chemin soit moins seul d’être redit. je voudrais y retrouver ma trace et que la même neige conserve les mêmes marques.
Cette disparition déjà vécue au présent, noue la gorge à ses poèmes, et fait son vertige.
Je m’endors et je meurs.
Quand je serai mort
vous ne penserez plus à moi
avec moi mourra ma musique.
et si des lèvres vives la chantent encore
ce seront elles que vous aimerez
(en une seule injure)
Des amis, Paul Vincensini, Philippe Biget et Max Alhau auront su empêcher le froid oubli et garder vive la présence d’Alain Borne.
Ténébreux et inconsolé Borne est passé, secret et laissant dans le corps de ses poèmes des silences transparents.
« J’évite encore la mort en écrivant un poème »
Il y a des poèmes qui ne se nourrissent ni de roses ni d’oiseaux, qui ne boivent pas la rosée des fleurs, qui ne se penchent pas sur la source, qui n’aiment pas les jeunes filles à l’instant du bourgeon.
Ils ont un visage dur et une odeur d’hiver qui dédaignerait la neige.
Ils parlent de chevaux, de labours, d’humbles herbes, d’enfants sans jouets.
L’amour y semble caché mais apparaît soudain aux trous de l’étoffe avec son insolent éclat de toujours.
Ils sont avides comme des rustres. Ils ont de grosses mains. Leur rire est triste. Ils grelottent. Ils ont faim. Ils donnent à manger. Le sang coule d’eux, frais, rouge et vite noir, luisant comme un long regard échappé.
Les poèmes qui ne se nourrissent ni de roses ni d’oiseaux ont une santé à briser le monde.
Il leur arrive de montrer vraiment l’intérieur du corps qui est rouge et l’intérieur de l’âme qui est noir et vide.
Gil Pressnitzer
Choix de textes
Je pense
à Paul Vincensini
Je pense que tout est fini
Je pense que tous les fils sont cassés qui retenaient la toile
Je pense que cela est amer et dur
Je pense qu’il reste dorénavant surtout à mourir
Je pense que l’obscur est difficile à supporter après
la lumière
Je pense que l’obscur n’a pas de fin
Je pense qu’il est long de vivre quand vivre n’est plus
que mourir
Je pense que le désespoir est une éponge amère
qui s’empare de tout le sang quand le cour est détruit
Je pense que vous allez me renvoyer à la vie qui est
immense
et à ce reste des femmes qui ont des millions de visages
Je pense qu’il n’y a qu’un visage pour mes yeux
Je pense qu’il n’y a pas de remède
Je pense qu’il n’y a qu’à poser la plume
et laisser les démons et les larves continuer le récit
et maculer la page
Je pense que se tenir la tête longtemps sous l’eau
finit par étourdir
et qu’il y a de la douceur à remplacer son cerveau
par de la boue
Je pense que tout mon espoir que tout mon bonheur
est de devenir enfin aveugle sourd et insensible
Je pense que tout est fini.
(L’amour brûle le circuit, Club du Poème, 1962)
Le plus doux poignard ( 1971 - extraits)
"La vie qui s’écoule dans mon sablier en est a son dernier grain : qu’un souffle passe et je ne suis plus.
La roue de vivre passe sur mon corps vivant. Elle n’est pas d’osier fleuri mais de fer rouge. Ce n’est pas un cerveau d’enfant mais la roue d’un char et dedans seulement des entrailles sans visage perdues de sang féminin.
L’air est plein d’arbres, les branches ont mis à sac la sève et bercent de feuilles les vents indécis.
Vie verte de l’air, j’entends des pas, je vois des robes, j’apprends des seins.
Rien ne m’apaisera que la chambre et le sexe au centre de la croix.
J’irai à lui par les chemins de la fleur, mes mains sont ivres de peau, autant d’absence que de présence, mes yeux n’ont pas à se fermer pour brûler d’images, mes yeux n’ont pas à se poser pour ameuter mon sang vers le seul grand geste qui ne soit point un meurtre.
*
Ce n’est pas drôle de se dire que tout est fini de ce qui valait la peine de vivre.
Ce n’est pas Drôle de compter les tuiles des toits et les gouttes de la pluie et les années de la femme qui dort dans son lit.
Ce n’est pas drôle, appuyant son regard au regard de la glace de se raconter sa vie en se mentant avec la vérité.
Si peu, si peu de beauté même jadis et naguère: le passé ne flambe pas non plus.
Pas drôle ici maintenant avec l’âge qui se visse aux tempes comme un vampire qui a trouvé la bonne artère.
Pas drôle non plus de se dire que cela passera, qu’il y a de jolies caisses odorantes de bois bien choisi qui nous attendent et que nous glisserons dans ces traîneaux vers la neige de vermine
Pas drôle.
Mais qu’elle est belle l’épaule de cette enfant et qu’il est doux ce regard qui parmi mon âge trie vingt années.
*
Tant de fleurs dont le nom a plus d’odeur que la réalité qui décevrait aussi nos yeux.
Je rêve. Le monde nous est, paraît-il, offert mais si peu qu’il vaut mieux lui préférer son image plus drôle à l’approche, au toucher, à la possession.
Monde fermé où j’avance en m’enrageant de plus en plus. De plus en plus triste, d’une tristesse de révolte plutôt que de résignation.
Passer, ne rien tenir, ou si peu, et encore dérisoirement se sentir plein de privilèges."
Alain Borne 1971.
La main touche une jupe
La main touche une jupe,
muguets fanés, je me souviens,
tiède comme un début de peau,
un feu de sang brûle les os.
Les joncs craquent sous le corps souple,
et le miel bout dans l’oeillet pourpre,
sur le brasier de myosotis
là-haut où les oiseaux s’étirent.
Carrière de braise rouge,
près d’une eau non doublée de tain
où toute pudeur expire
au vent venu de Si loin,
Sous août bruissant, la fièvre est fraîche,
et la brûlure encore glacée
des lèvres fanées de soif,
et du corps torride de sang.
Voici la baie de tes jambes,
avant cette île foudroyée
où peut-être un peu de neige
attend ma tête sans pensée.
Terre de l’Été (Robert Laffont, 1945)
Tant d’oiseaux
Tant d’oiseaux
Qu’on dirait de l’eau en pluie
un goutte à goutte d’ailes
une giboulée de plumes
une averse de griffes.
L’orage opaque éteint le ciel
et son tonnerre est de cris.
Qu’importe qu’importe
puisque ce cauchemar n’est pas un rêve
puisque ces griffes sont réelles
et que c’est réellement qu’il faudra mourir.
Les orties, la fumée
Les orties, la fumée,
Les épines fleuries,
La cendre, l’herbe
dans tant d’absence éparse,
une dépouille humaine,
une rencontre nue,
un écho de plaisir,
une fleur animale,
deux yeux perdus,
un été familier,
une mesure d’ombre,
un soleil limité.
Boire très calme
la foudre inattendue ;
la tige découverte après l’étang de pierre,
et revenir encore à l’incendie parfait,
rêveur sous la paille,
et vénérer la paille où l’incendie se fait,
tenter contre la mort ce simple appareillage
Où ne pendent aux mâts que des voiles de flammes
Quelqu’un au bord du vertige,
une doublure agile,
un miroir de blessures.
extrait de "C’était hier et c’est demain", éd. Seghers, 2004
Je sais que vous veillez dans cette nuit si blanche
Qu’on croirait un verger assailli par le vent
Et l’heure des lampes devient douce
Si votre ombre descend sur la plage d’un livre
Si votre souffle éveille la charbon du poème
A la vie de la flamme.
Peut-être suis-je seul avec ma blessure
Et mon sang qui écrit
Peut-être suis-je loin de vous
De ce visage dont j’existe
Et de ces mains ravies à l’écume des astres
Et de ce corps si pur et sans baiser
Peut-être
Et j’envie votre chambre
Qui peut vous voir sans cesse
Cette table ces livres et la couleur du mur
Et la fenêtre où le visage du soir écrase sa noirceur
Et l’eau qui coule entre vos doigts
Sans souvenirs ni pensée.
« Ô je vous aime
Ma solitude crie à travers ce papier
Comme dans le château
La voix du prince vers la belle endormie.
Ô je vous aime
Ma solitude crie et tend ses mains lointaines
À tâtons vers vos mains
Je ne veux plus de ce poème
Ni du mensonge de mon rêve
Mais le pain de vos lèvres
Mais le vin de vos yeux
Mais l’air de votre souffle. »
Poèmes à Lislei (Seghers 1946)
La nuit me parle de toi
La nuit me parle de toi
elle ne me donne pas de rêves
pleins de femmes transparentes
mais elle m’apporte ton image
afin que ton absence
ne m’étrangle pas tout à fait.
Elle voit avec scandale
que je n’ai pas ton corps dans mes bras
et elle allonge près de moi
le fantôme de ta peau.
Elle me dit
qu’à force de t’aimer tu m’aimeras
et qu’ainsi cessera ma longue insomnie
sur ta présence réelle
et sur ton vrai sang.
Il le faut
Il le faut
il le faudra un jour
Nous saurons inventer
Tout sera pur comme l’hiver
Personne n’aura su avant nous.
Nos craintes seront plus douces qu’une ombre blanche.
Ce sera comme si nous avions invité
d’invisibles colombes
à voler avec nous.
Ce sera comme si nous habitions le feu de leurs ailes
avant de ne plus savoir
qui nous sommes l’un de l’autre.
Je vais me taire
Je vais me taire ce soir après ce poème
ranger ma voix et mon sang
laisser venir quelques heures où tout se passe
comme si tu n’existais pas.
Je te vois encore pourtant dans la main de la nuit
scandalisé que de loin tu apparaisses
comme un pétale de rose
ou un jet de lait ou une flèche d’étoile
en forme de femme.
Femme, tu es femme
vêtue et dévêtue de peau
fraîche et chaude pleine de sang et d’os
pareille, mon ineffable,
à tout le troupeau.
Laisse laisse laisse
mon amour et mes mots
te séparer en te chantant
trier de la boue mon diamant
faire exploser ma seule foudre
Bibliographie
2001 Terre de l’été suivi de Poèmes à Lislei « Editinter »
2001 Un brasier de mots - Poèmes inédits Voix D’encre
2002 L’eau fine suivi de En une seule injure « Editinter »
2003 Poèmes d’amour ( Anthologie ) « le cherche midi »
2003 Encres « Atelier du hanneton »
2006 La nuit me parle de toi éditions Le trident Neuf
« L’Amour, la Vie, la Mort : deuxième anthologie de poèmes inédits », Voix d’encre, 1994.
Les « Œuvres poétiques complètes », aujourd’hui épuisées, ont été éditées en deux volumes par les éditions Curandera, en 1981.