Gaston Miron
L’homme aux labours de poésie
pays
toi qui apparais
par tous les chemins défoncés de ton histoire
aux hommes debout dans l’horizon de la justice
qui te saluent
salut à toi territoire de ma poésie
salut les hommes et les femmes
des pères et mères de l’aventure
Ainsi vient à nous la parole du « grand carillonneur des mots », le rapailleur de nos meurtrissures, le rempailleur de la langue française, la légende d’un peuple. Il est de la lignée des montreurs de mondes à faire.
Sa voix de torrent éclatant nous était parvenue souvent par bribes, par vagues brisées, car le Québec demeure à la fois si loin et si proche et sa littérature est toujours recouverte sous la suffisance littéraire de la France.
Des amis québécois entretenaient le feu de ses aurores boréales contre l’éblouissant et terrible oubli, derniers résistants de "cette petite enclave américaine francophone".
Parler de Gaston Miron revenait à parler du sacré d’une nation. Des Felix Leclerc, des Gilles Vigneault soit et encore, ce ne sont que des chansonniers. Mais un poète à la hauteur des plus grands poètes français et qui prend la parole alors que l’on ne lui demande pas, cela revenait à confondre meeting et alexandrins. Car en plus Miron il est engagé, il est politique ! Cela ne se fait plus. Halte là en France, laissons - le sur sa banquise ! Gaston Miron devait alors être enfoui dans le tiroir des « paroliers patriotiques ». Aussi Gaston Miron est encore exilé dans nos mémoires en France.
D’ailleurs il n’est pas sans signification que cela soit un autre exilé de la langue, Edouard Glissant le créole, qui soit le préfacier de ses poèmes en France. Et Glissant, qui l’a connu, nomme Miron le tonitruant, la folle tornade, la gueulante, et célèbre ce beau déferlement.
Le déferlement Miron « hurle dans ses harnais » et nous submerge, lui qui nous crie le non-poème en pleine face.
Gaston Miron disait de lui qu’il avançait dans la poésie comme un cheval de trait. Profonds sont ses sillons ! Belle est sa récolte.
Homme aux labours des brûlés de l’exil
selon ton amour aux mains pleines de rudes conquêtes
selon ton regard arc-en-ciel bouté dans les vents
en vue de villes et d’une terre qui te soient natales
je n’ai jamais voyagé
vers autre pays que toi mon pays
un jour j’aurai dit oui à ma naissance
j’aurai du froment dans les yeux
je m’avancerai sur ton sol, ému, ébloui
par la pureté de bête que soulève la neige
un homme reviendra
d’en dehors du monde
POUR MON RAPATRIEMENT (La vie agonique)
Les sillons du maître du tonnerre
Il est le maître du tonnerre et des éclairs dans ses paroles et il glisse entre le vent des mots et les nuages des images pour nous dire qu’un jour il fera « clair et magnifiquement beau ».
Gaston Miron est en fait presque l’homme d’un seul livre qui l’aura accompagné toute sa vie, mais quel livre, « L’homme rapaillé », sans cesse enrichi jusqu’à sept éditions, et clos par sa mort le 14 décembre 1996. Miron était un artisan polissant et retouchant sans cesse ses mots. Charpentier en quelque sorte donc en quelque sorte comme ses ancêtres et autant qu’écrivain, il publiait très peu et le plus souvent à compte d’auteur, à son corps défendant d’ailleurs. Son œuvre a pu cheminer vers nous soutenue par des porteurs de flambeaux. Après sa mort, sa compagne a confié au poète et ami Nepveu le soin de parcourir la correspondance de Miron et surtout ses poèmes manuscrits non publiés. C’est ainsi qu’est paru en 2003 Poèmes épars.
« Je n’ai publié qu’un recueil de poèmes, rapaillés un peu partout ».
Les poèmes de Miron tiennent dans la paume de la main d’un petit livre, presque soixante-dix à peine. Ils occupent pourtant tout l’espace.
Il était l’enfant fidèle de Sainte-Agathe-des-Monts, Hautes Laurentides (Québec), dans « un pays de jointures et de fractures » où il vit le jour le 8 janvier 1928. Il y demeure encore inhumé au cimetière près des siens. Sur sa stèle on peut lire ceci :
« Ci-gît, rien que pour la frime/ici ne gît pas, mais dans sa langue/Archaïque Miron/enterré nulle part/comme le vent. »
Beaucoup de Québécois, du moins faut-il l’espérer, connaissent la biographie de Gaston Miron, depuis sa famille de charpentiers jusqu’au choc de la rencontre avec la ville tentaculaire, celle de Montréal, en passant par ses combats, ses véhémences, ses doutes.
Aussi il n’en sera pas fait mention ici.
Il suffira de savoir que face à la ville tentaculaire (" cette ville qui m’a jeté des mauvais sorts"), et tout entier tendu dans sa lutte pour "s’arracher de la gueule du colonialisme", il édifie ses « monologues de l’aliénation délirante ». Il a conscience de lutter contre la langue de l’argent par la langue de l’appartenance. Écrire sera alors vivre et survivre. Dresser « une voix parmi les voix contraires ». Redonner parole aux exclus de leur propre langue. Gaston Miron a eu le choc de la révélation du noir des hommes.
nous ne serons plus jamais des hommes
si nos yeux se vident de leurs mémoires. (la route que nous suivons)
Cette anecdote rapportée par Jacques Desmarais le confirme : « un jour, son grand-père qu’il admirait profondément, et qui était presque une épopée à lui seul, un bâtisseur de pays, lui révélera qu’il est analphabète.
« Quand on ne sait ni lire ni écrire, on est toujours dans le noir, dit le grand-père.»
« Cette phrase ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd. Il faudra écrire, écrire, écrire pour redonner la parole à ceux qui sont dans le noir. »
Tout le noir de ces hommes est entré en moi. Je me disais : il faut que j’assume tout ce noir et il faut en même temps que j’écrive, que je dise que ces gens-là n’ont pas vécu en vain.
La noirceur des hommes est rentrée en lui.
Lutter contre l’impérialisme destructeur de l’anglais ( l’anglobalisation), était au cœur de son épopée. Il fallait lutter contre la langue qui vous décerveler, la langue de l’oppression. Ne plus être étranger dans sa propre langue, en étrange pays dans son pays même, sera sa seule ambition. Il voudra retrouver un parler non pas simplement populaire qu’il ne voudra surtout pas réécrire mais pouvant être entendu de tous.
mais chante plus haut l’amour en moi, chante
je me ferai passion de ta face
je me ferai porteur de ton espérance
veilleur, guetteur, coureur, haleur de ton avènement.
Il ne va pas pailleter sa langue, elle coule comme le torrent de son enfance:
Je suis un homme simple avec des mots qui peinent
et je ne sais pas écrire en poète éblouissant
et je suis tué (cent fois je fus tué), un tué rebelle
et j’ahane à me traîner pour aller plus loin
déchéance est ma parabole depuis des suites de pères
je tombe et tombe et m’agrippe encore
je me relève et je sais que je t’aime
je sais que d’autres hommes forceront un peu plus
la transgression, des hommes qui nous ressemblent
qui vivront dans la vigilance notre dignité réalisée
c’est en eux dans l’avenir que je m’attends
que je me dresse sans qu’ils le sachent, avec toi. (Avec toi)
L’homme rapaillé
Cela se fera donc par la « pauvre poésie, cette bête féroce de l’espoir ».
« Ma poésie de cœur heurté
ma poésie de cailloux chahutés... »
Il sera autant un homme d’action ardent qu’un porteur d’écritures. Gaston Miron est fondamentalement un rebelle qui se bat le dos au mur contre la mort et le froid à la fois des hommes et de son pays. Il parle « avec les mots noueux de nos endurances ». Il est allumeur d’espérance, avec son aspect Prométhée des exclus. Miron est l’homme qui refuse l’accoutumance, le poids de l’état du monde.
« Je ferai de ma poésie un engagement politique ». Et Miron entre en poésie comme on entre en religion, il est devenu politique non pas rimailleur. Pour lui engagement politique et engagement littéraire sont la même et unique chose. Il n’a nulle intention de devenir un poète emplit de nuées et de prophéties. Il se sent plus proche d’Eluard que de Hugo non il est tout humblement, naturellement poète. Il respire ainsi, il ne pose pas. Il s’en fout de l’esthétique. Poète de la fidélité « à sa pauvreté de naissance », » au noir des hommes assumé », il se veut un poète utile, un poète de l’action.
« Éluard n’a-t-il pas dit que la poésie était pratique ? Aussi, le lisant, j’en reçois un enseignement. Je le vois évoluer des limites du malheur à la vie de tous. À son exemple, c’est dans cette voie que je m’engage (...) Pour trouver, comme lui, les camarades et une fraternité. ».
Mais ce poète il l’est presque malgré lui, « accidentellement ». Il donne sa voix aux sans voix car il fallait bien qu’un gars s’en occupe ! Poète pour lui bien sûr, il l’est pour tous. Sa poésie sera donc convulsive et collective. Il se doit de changer la vie et de sauver les rêves. Alors il se met en route, appuyé sur les bâtons des mots.
La parole domine chez lui, l’homme – tonnerre, l’agitateur l’emporte sur la solitude altière du poète. Il bouscule la langue, la réensemence. Son œuvre est matière féconde. Et tout un peuple parlera sa langue, dégagé de toute humiliation.
« J’ai vu quelle poésie il fallait que je fasse : une poésie qui donne à ce pays une légende, mais une légende au futur ».
Plus jamais grâce à Gaston Miron, le Québec ne risque de mourir de froid.
Miron a clamé ses textes, les a bramé sur les places publiques, autant militant que poète.
Je suis sur la place publique avec les miens
la poésie n’a pas à rougir de moi
j’ai su qu’une espérance soulevait ce monde jusqu’ici. »
Il n’avait pour armes que sa voix et sa voix tonnait haut :
"je radote à l’envers je chambrale dans les portes
je fais peur avec ma voix les moignons de ma voix.
Avec simplement cela il va « s’arracher le colonialisme de la gueule »
Il n’invente pas une nouvelle langue, il conserve une écriture éminemment classique. Il ne se décrète pas poète, ou prophète. Il mesure les "déficiences de la langue", les fossés du langage. En effet cette langue québécoise a été tant violée, tant dépossédée, tant polluée par les anglicismes, qu’il faut bien la remettre toute nue et la dire telle qu’elle est maintenant, sans vaticiner une langue réinventée.
Peu importe alors de redonner vie au joual. Il l’accepte comme le parler du peuple, mais il refuse d’en faire un ghetto. « le débat autour du joual est un faux débat. Qu’on dise joual ou oual ou cheval, peu importe, pourvu qu’on ne dise pas horse. ».
Peu lui importe de lancer aux cieux une langue admirable à la Saint-John Perse. Seul comptera le saisissement de la vie immédiate, et la défense véhémente de la langue. Nommer les choses c’est déjà les reposséder. Aussi Miron va nommer les choses, nommer le territoire et faire réemerger les mots archaïques, basaltes noirs « de la parlure québécoise ». Ces mots étaient enfouis, rejetés, car trop rêches, trop noirs, trop lourds. Il les convient à nouveau parmi nous, à notre table de la vie : « batêche, mots noueux, touffe de vents, débris d’embâcle, pluie qui bafouille, la herse des soleils, la braise dans le bris du silence, crotté et dégoûtant, silencieux raboteux rabotés…Enfin, Miron utilisent parfois les masques du mépris imposé – Le Damned Canuck par exemple -, mots d’objectivasion des sujets colonisés, retournés comme une arme à deux tranchants dans la conscience historique » (Jacques Desmarais)
Gaston Miron sera cet homme qui parmi « les hommes dépareillés de ces temps » marchera à grands coups de mots de restitution d’un pays, d’un espace, d’une humanité. Farouche, il en appelle « aux arquebuses de l’aube, de toute sa force en bois debout. »
Humble, il sera. Immense, il reste.
Et oui Gaston Miron est plus qu’un poète, il est un territoire. Une véritable géographie à lui tout seul. Il est Miron le magnifique, Miron le mythe.
Pour nous cousins français, délivrés de sa nécessaire adoration que devrait avoir ses lecteurs canadiens, il appartient de lire ses poèmes simplement. Face aux idéaux dévastés, Miron tient toujours debout. Toujours hurlant contre l’aliénation :
« Nous sommes tous rendus plus loin, dit-on. Eh bien, si tout le monde le croit, bien lui en fasse. Quant à moi, qu’ils aillent tous au diable. J’aime mieux radoter et être dans la réalité que prétendument ne pas radoter et n’être pas dans la réalité... La solution est politique. Point. »
Gaston Miron n’aura jamais trahi, il se sera avancé dans la marche de l’amour, indifférent aux clameurs, au-delà de ce monde « où il vaut meilleur être chien qu’être homme ». Miron a mal à l’homme, à l’humanité qui se fuit.
Maintenant il est plus loin que la neige et au-delà des pièges à loup, dans le Nord du Nord de l’humanité. Nul n’aura autant fui les compromissions du monde en pourrissement que lui.
On ne fait pas taire le feu avec l’eau des soumissions tièdes. On ne fait pas taire un Miron quand il saisit le sens de la vie par les cheveux. Contre la mutilation et la fatigue du monde, il reste l’antidote essentiel, le whisky blanc contre les froideurs et les gerçures du grégaire. Il sait « donner sa voix au muet » et faire rendre gorge à un monde sans issue.
Je suis un homme simple avec des mots qui peinent
et je ne sais pas écrire en poète éblouissant
je suis tué (cent fois je fus tué), un tué rebelle
et j’ahane à me traîner pour aller plus loin
déchéance est ma parabole depuis des suites de pères
je tombe et tombe et m’agrippe encore
je me relève et je sais que je t’aime.
Il est passé très haut, sa voix demeure plus forte que les chutes et les cascades du dérisoire. Il avance comme il dit comme un cheval de trait, et beaux et retournés sont ses labours. Entre outardes qui s’en vont, du vent cinglant à nos oreilles il trace un chemin vers nous. Dons des désintéressements, cicatrices des reconnaissances et du prix de la vérité, Miron par sa poésie fait clairière contre la forêt obscure des lâchetés, des renoncements. Il allait :
au rendez-vous de son geste
tandis qu’un vent souterrain tonnait et cognait
pour des années à venir
dans les entonnoirs de l’espérance
qui donc démêlera la mort de l’avenir
Dans sa poésie s’ébrouent les « vieilles montagnes râpées du nord », les lacs et les femmes, les passants et les forêts.
Bien au-delà d’un cheminement de révolte ou de colère, Gaston Miron demeure une puissance d’amour. Plus que la marche à l’amour la poésie de Gaston Miron est l’amour en marche. Il est surgi de lui-même.
si j’étais mort avant de te connaître
ma vie n’aurait jamais été que fil rompu
pour la mémoire et pour la trace
je n’aurais rien su de mon corps d’après la mort
ni des grands fonds de la durée
rien de la tendresse au long cours de tes pages
cette vie notre éternité qui traverse la mort
et je n’en finis pas d’écouter les mondes
au long de tes hanches...
Au-delà de la limite des prés des mots il nous confie la capacité d’émerveillement et la dignité de l’amour.
Le mouchoir brodé de ses images est tissé à nos initiales. Car Gaston Miron nous parle de nos échos, de notre existence, de nos séparations.
Il est des écritures qui ne lèvent que des courses de nuages où rien ne se niche, celle de Gaston Miron fait les aurores boréales et couvre la nature. Mots tendus comme linges écarlates sur nos jours blêmes.
Mots minoritaires pour exister :
« Nous ne serons jamais plus des hommes si nos yeux se vident de leur mémoire. »
« Je dis que la langue est le fondement même de l’existence d’un peuple, parce qu’elle réfléchit la totalité de sa culture en signes, en signifiés, en signifiance. »
Miron, colérique et pudique à la fois, était de la race des amis des hommes et l’amitié était un culte chez lui. Miron n’est pas un poète passéiste, il tient les mots-flambeaux de l’avenir, il les jette pour réchauffer le monde.
« mais que le poème soit le chemin des hommes ».
Et puis aussi les doutes et les angoisses de devoir répondre à l’attente de toute une nation qui l’avait adoubé plus grand poète du Québec, avant même son premier livre. Comment ne pas se départir avant que de partir », de ne pas décevoir, de ne pas déchoir ? Et ce taraudement d’écrire dans l’impossible, de la quasi-utopie d’être poète comme d’être homme :
« Homme du modernaire, à rebours de disparaître,
dans une histoire en laisse de retard. »
Plus que les doutes en fait se fait poignante la panique devant cette quête douloureuse de son identité. Quand la langue est nation, responsabilité d’existence, attente d’un peuple, se joue pour Miron un destin convergent à celui du Moïse d’Arnold Schönberg « ah toi parole qui me manque ! », face aux veaux d’or qui ont le pouvoir.
« J’écris dans l’impossible. Je rate. Je bafouille tous les alphabets. Je me cherche les indices de moi. »
Comment être à la hauteur de sa légende quand elle vous dépasse ?
Je m’identifie sur ma condition d’humilié
Je le jure sur l’obscure respiration commune
je veux que les hommes sachent que nous savons
(Monologues de l’aliénation délirante)
L’homme rapaillé ne risque-t-il pas d’être l’homme empaillé dans le culte du héros ? À sa mort en 1996, Gaston Miron a droit à des funérailles nationales.
Mais jamais Gaston Miron ne s’est laissé fossiliser, ni dans la gloire, ni dans la poésie. Il disait de lui « je ne suis qu’un commis voyageur de la poésie ».
Jamais je n’ai fermé les yeux
malgré les vertiges sucrés des euphories
même quand mes yeux sentaient le roussi
ou en butte aux rafales montantes des chagrins
Car je trempe jusqu’à la moelle des os
jusqu’aux états d’osmose incandescents
dans la plus noire transparence de nos sommeils. (l’homme agonique)
Alors il y a la lutte, alors il y a l’amour, la marche d’amour, la restitution du langage pour la renaissance du poème souverain. Poète oral avant tout, Gaston Miron demeure l’insurrection et il écrivait « à bout portant ». Toujours juste et en plein cœur. Sa poésie a pris la parole, le poème est devenu souverain.
je me ferai passion de ta face
je me ferai porteur de ton espérance
veilleur, guetteur, coureur, haleur de ton avènement.
Feu de renard aurait dit les Lapons de son écriture magnétique. Toujours boire et reboire les mots de Miron. Parcourir avec lui les peupliers qui sont nos longues années en torche, et entendre sa voix de vent solaire :
vents qui changez les sorts de place la nuit
vents de rendez-vous, vents aux prunelles solaires
vents telluriques, vents de l’âme, vents universels
vents ameutez-le, et de vos bras de fleuve ensemble
enserrez son visage de peuple abîmé, redonnez-lui
la chaleur
et la profuse lumière des sillages d’hirondelles
Gaston Miron était ce souffle, et quand des amis l’évoquent, ils réalisent sa prophétie : « un homme reviendra d’en dehors du monde ».
« Nous reviendrons, nous aurons à dos le passé, et à force d’avoir pris en haine toutes les servitudes, nous serons devenus des bêtes féroces de l’espoir. »
Il n’est pas épinglé au muséum folklorique du Québec, et son espérance violente de dresser une digue à la présence impérialiste de la langue anglaise et américaine est toujours actuelle. Parler français aujourd’hui encore au Québec est lui rendre hommage. Il a su faire de nous « des bêtes féroces d’espoir ».
Mais il ne faut pas oublier Miron le poète de l’amour « de l’amour, sauvage amour de mon sang dans l’ombre/mouvant visage du vent dans les broussailles/femme, il me faut t’aimer femme de mon âge/comme le temps précieux et blond du sablier. »
Je t’écris (extraits)
Je t’écris pour te dire que je t’aime
que mon cœur qui voyage tous les jours
- le cœur parti dans la dernière neige
le cœur parti dans les yeux qui passent
le cœur parti dans les ciels d’hypnose -
revient le soir comme une bête atteinte
...
je t’écris pour te dire que je t’aime
que tout finira dans tes bras amarré
que je t’attends dans la saison de nous deux
qu’un jour mon cœur s’est perdu dans sa peine
que sans toi il ne reviendra plus
...
Pour ce rendez-vous de notre fin du monde
c’est avec toi que je veux chanter
sur le seuil des mémoires les morts d’aujourd’hui
eux qui respirent pour nous
les espaces oubliés.
Cette marche à l’amour est l’aspect solaire du poète.
Le « rapatriement » de Gaston Miron passe par nos mémoires. Il nous demande de le « manger », de s’approprier ses mots et ses pensées. De continuer à avancer au-delà des nuits les plus noires.
Ma femme, Marie-Andrée
Emmanuelle, ma fille
mes camarades de toujours à jamais
enterrez le corps de poésie
mon cadavre d’amour en ce peuple
là où il n’y a ni croix, ni écriteau
mais où flageole une lumière brûlée
et n’usez plus vos yeux
à faire se lever l’horizon.
(Conjuration au destin, Poèmes épars, 2003)
Cœurs unanimes nous l’aiderons « à se dévêtir de sa fatigue ».
les hommes entendront battre ton pouls dans l’histoire
c’est nous ondulant dans l’automne d’octobre
c’est le bruit roux de chevreuils dans la lumière
l’avenir dégagé
l’avenir engagé.
Dans sa poésie s’ébrouent les « vieilles montagnes râpées du nord », les lacs et les femmes, les passants et les forêts.
Bien au-delà d’un cheminement de révolte ou de colère, Gaston Miron demeure une puissance d’amour. Plus que la marche à l’amour la poésie de Gaston Miron est l’amour en marche.
si j’étais mort avant de te connaître
ma vie n’aurait jamais été que fil rompu
pour la mémoire et pour la trace
je n’aurais rien su de mon corps d’après la mort
ni des grands fonds de la durée
rien de la tendresse au long cours de tes pages
cette vie notre éternité qui traverse la mort
et je n’en finis pas d’écouter les mondes
au long de tes hanches...
Les mots de Miron vont de l’avant. Il monte toujours la garde du monde. Il est le poète de la vérité irréductible. La poésie n’a pas « eu à rougir de lui ».
Derrière « la herse des soleils » il est là.
Hommes souvenez-vous de vous en d’autres temps
Nous nous souvenons de Gaston Miron.
Remerciements :
Merci à Jacques Desmarais qui a suscité et porté ce texte.
Gil Pressnitzer
Gaston Miron, le grand carillonneur
Ainsi en est-il des extraits d’un texte de Jacques Desmarais écrit lors d’un hommage récent à ce batailleur infatigable :
....
Miron a dit un jour que « le poème est transcendance »...
Clôture et transcendance, comment marcher avec cela dans les pieds sur notre route boucanée de vieux moi et de « bouts de temps qui halètent » ?
Je peux dire qu’il s’est bu au cours de cette soirée quelques pintes de mots de chevreuil roux.
Personne n’était soûl.
On a pris les sous-bois aux odeurs de saules dans les cheveux du vent calmé. Puis le sentier des rosiers et des œillets.
Personne n’avait le goût de se défiler.
Assis en quelque sorte sur le perron de l’âme, nous étions comme les enfants de la liberté bercés par des airs d’harmonica parlés.
Car Miron, tireur d’ellipses, pour une part découragé, pour une autre part fougueux contestataire à bout portant de la poésie même, ce Miron de l’Archambault pose devant l’éternité l’exigence même de la poésie et de la politique, c’est-à-dire être, c’est-à-dire devenir ce que nous sommes, c’est-à-dire s’ouvrir à la transcendance. C’est-à-dire encore assumer la profondeur de notre liberté, cette manière différenciée d’être avec tous les autres hommes de la terre. Terre de surprises et de télépathie. Terre de soleils qui carillonnent...
Et nous voici à nouveau en pleine lumière crue de la poésie qui se fait jour.
Elle nous monstralise la prise au collet de l’oubli, l’oubli même « qu’il s’agit de la mort de quelqu’un ».
Il faudrait se pardonner à soi-même d’avoir été comme des objets jonglés, complaisants, lièvres abandonnés, dans la lune et pourris par Rome, Paris, Londres, Washington et la pauvre ma tante Berta d’Ottawa...
C’est le partage de ce dénouement de soleils à tête chercheuse qui est au cœur du joueur de ruine babines. Si bien que dix ans après sa mort, la mémoire de Miron, commis-voyageur en chef de la littérature d’ici, n’est pas du tout nostalgique. Miron est plus flamboyant, plus pertinent que jamais. Il pousse encore dans le cul. Son œuvre accuse avec panache nos retards patibulaires. Ses éclats de mots, ses éclisses se mettent à notre place mais comme en travers de nos travers. Avons-nous bougé d’un iota ? Ce n’est qu’un jour de plus, dirait-il, et pourtant, ça urge de faire un pas, un petit pas...
C’est l’urgence même du poème. C’est-à-dire aimer. Mon bel amour, navigateur... C’est-à-dire : vivre !
C’est dire aux autres hommes que « nous savons ».
Mais nous, les fabuleux créatifs du continent, où sommes-nous ? Quelle place occupons-nous ?
Les masques de soi-même hérités depuis la belle luette de nos gigues analphabètes ne sont donc pas des alibis pour motiver l’absence même sous la couette du sommeil faussement diamanté par les bouteilles cassées de nos remords le long de notre histoire en marche. En marche !
Miron n’est pas un Dieu en feu, en pâture. Mais pire encore, il est ce ratoureux poète qui a touché notre visage avec nos propres mots.
Les mots aussi ont un visage, un paysage, à tout le moins ils ont des yeux d’oiseau puisqu’ils nous regardent et nous invitent à les suivre « jusqu’à perte de vue ». Au-delà de la clôture existentielle.
« Le poème est transcendance ». Je cite de mémoire. Il ne faut pas m’en vouloir. Mais qu’est-ce à dire au juste ?
« Le non-poème, c’est ma tristesse ontologique, la souffrance d’être un autre.. Le non-poème, c’est mon historicité vécue par substitutions. Le non-poème, c’est ma langue que je ne sais plus reconnaître, des marécages de mon esprit brumeux à ceux des signes aliénés de ma réalité... Or le poème ne peut se faire que contre le non-poème car le poème est émergence, car le poème est transcendance dans l’homogénéité d’un peuple qui libère sa durée inerte tenue emmurée...» L’Homme Rapaillé, 1965.
Au fil des mots, quand il fait clair et beau comme l’autre soir, le simple sourire, ce dépassement, cette conviction, cette espérance, cette mémoire, ce pays qui émerge comme un poème est à portée de main.
Quand il fait clair et magnifiquement beau.
Jacques Desmarais
………..
Jacques Desmarais
Choix de textes
Quelques mots de Gaston Miron à partir de la version définitive établie par son épouse Marie-Andrée Beaudet (édition Gallimard 1999)
...
J’ai fait de plus loin que moi un voyage abracadabrant
il y a longtemps que je ne m’étais pas revu
me voici en moi comme un homme dans une maison
qui s’est faite en son absence
je te salue, silence
je ne suis pas revenu pour revenir
je suis arrivé à ce qui commence
L’Homme Rapaillé Liminaire
La braise et l’humus
Rien n’est changé de mon destin ma mère mes camarades
le chagrin luit toujours d’une mouche à feu à l’autre
je suis taché de mon amour comme on est taché de sang
mon amour mon errance mes murs à perpétuité
un goût d’années d’humus aborde à mes lèvres
je suis malheureux plein ma carrure, je saccage
la rage que je suis, l’amertume que je suis
avec ce bœuf de douleurs qui souffle dans mes côtes
c’est moi maintenant mes yeux gris dans la braise
c’est mon cœur obus dans les champs de tourmente
c’est ma langue dans les étapes des nuits de ruche
c’est moi cet homme au galop d’âme et de poitrine
je vais mourir comme je n’ai pas voulu finir
mourir seul comme les eaux mortes au loin
dans les têtes flambées de ma tête, à la bouche
les mots corbeaux de poèmes qui croassent
je vais mourir vivant dans notre empois de mort
(la vie agonique)
.........
nous te ferons, Terre de Québec
lit des résurrections
et des mille fulgurances de nos métamorphoses
de nos levains où lève le futur
de nos volontés sans concessions
les hommes entendront battre ton pouls dans l’histoire
c’est nous ondulant dans l’automne d’octobre
c’est le bruit roux de chevreuils dans la lumière
l’avenir dégagé
l’avenir engagé
(L’Octobre, la vie agonique)
Poème de séparation 2
Tu fus quelques nuits d’amour en mes bras
et beaucoup de vertige, beaucoup d’insurrection
même après tant d’années de mer entre nous
à chaque aube il est dur de ne plus t’aimer
parfois dans la foule surgit l’éclair d’un visage
blanc comme fut naguère le tien dans ma tourmente
autour de moi l’air est plein de trous bourdonnant
peut-être qu’ailleurs passent sur ta chair désolée
pareillement des éboulis de bruits vides
et fleurissent les mêmes brûlures éblouissantes
si j’ai ma part d’incohérence, il n’empêche
que par moments ton absence fait rage
qu’à travers cette absence je me désoleille
par mauvaise affliction et sale vue malade
j’ai un corps en mottes de braise où griffe
un mal fluide de glace vive en ma substance
ces temps difficiles malmènent nos consciences
et le monde file un mauvais coton, et moi
tel le bec du pivert sur l’écorce des arbres
de déraison en désespoir mon cœur s’acharne
et comme, mitraillette, il martèle
ta lumière n’a pas fini de m’atteindre
ce jour-là, ma nouvellement oubliée
je reprendrai haut bord et destin de poursuivre
en une femme aimée pour elle à cause de toi
(la marche à l’amour)
La marche à l’amour (extraits)
...
je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi
lentement je m’affale de tout mon long dans l’âme
je marche à toi, je titube à toi, je bois
à la gourde vide du sens de la vie
à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud
à ces taloches de vent sans queue et sans tête
je n’ai plus de visage pour l’amour
je n’ai plus de visage pour rien de rien
parfois je m’assois par pitié de moi
j’ouvre mes bras à la croix des sommeils
mon corps est un dernier réseau de tics amoureux
avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus
je n’attends pas à demain je t’attends
je n’attends pas la fin du monde je t’attends
dégagé de la fausse auréole de ma vie
(La marche à l’amour)
L’homme agonique
Jamais je n’ai fermé les yeux
malgré les vertiges sucrés des euphories
même quand mes yeux sentaient le roussi
ou en butte aux rafales montantes des chagrins
Car je trempe jusqu’à la moelle des os
jusqu’aux états d’osmose incandescents
dans la plus noire transparence de nos sommeils
Tapi au fond de moi tel le fin renard
alors je me résorbe en jeux, je mime et parade
ma vérité, le mal d’amour, et douleurs et joies
Et je m’écris sous la loi d’émeute
je veux saigner sur vous par toute l’affection
j’écris, j’écris, à faire un fou de moi
à me faire le fou du roi de chacun
volontaire aux enchères de la dérision
mon rire en volées de grelots par vos têtes
en chavirées de pluie dans vos jambes
Mais je ne peux me déprendre du conglomérat
je suis le rouge-gorge de la forge
le mégot de survie, l’homme agonique
Un jour de grande détresse à son comble
je franchirai les tonnerres des désespoirs
je déposerai ma tête exsangue sur un meuble
ma tête grenade et déflagration
sans plus de vue je continuerai, j’irai
vers ma mort peuplée de rumeurs et d’éboulis
je retrouverai ma nue propriété
Une fin comme une autre
(ou une mort en poésie)
Si tu savais comme je lutte de tout mon souffle
contre la malédiction de bâtiments qui craquent
telles ces forces de naufrage qui me hantent
tel ce goût de l’être à se défaire que je crache
et quoi dire que j’endure dans toute ma charpente
ces années vides de la chaleur d’un autre corps
je ne pourrai pas toujours, l’air que je respire
est trop rare sans toi, un jour je ne pourrai plus
ce jour sera la mort d’un homme de courage inutile
venue avec un froid dur de cristaux dans ses
membres
mon amour, est-ce moi plus loin que toute la neige
enlisé dans la faim, givré, yeux ouverts et brûlés
(Influence, deux sangs)
Parle-moi parle-moi de toi parle-moi de nous
j’ai le dos large je t’emporterai dans mes bras
j’ai compris beaucoup de choses dans cette époque
les visages et les chagrins dans l’éloignement
la peur et l’angoisse et les périls de l’esprit
je te parlerai de nous de moi des camarades
et tu m’emporteras comblée dans le don de toi
jusque dans le bas-côté des choses
dans l’ombre la plus perdue à la frange
dans l’ordinaire rumeur de nos pas à pas
lorsque je rage butor de mauvaise foi
lorsque ton silence me cravache farouche
dans de grandes lévitations de bonheur
et dans quelques grandes déchirures
ainsi sommes-nous un couple
toi s’échappant de moi
moi s’échappant de toi
pour à nouveau nous confondre d’attirance
ainsi nous sommes ce couple ininterrompu
tour à tour désassemblé et réuni à jamais
Déclaration
à la dérive
Je suis seul comme le vert des collines au loin
je suis crotté et dégoûtant devant les portes
les yeux crevés comme des œufs pas beaux à voir
et le corps écumant et fétide de souffrance
je n’ai pas eu de chance dans la baraque de ma vie
je n’ai connu que de faux aveux de biais le pire
je veux abdiquer jusqu’à la corde usée de l’âme
je veux perdre la mémoire à fond d’écrou
l’automne est venu je me souviens presque encore
on a préparé les niches pour les chiens pas vrai
mais à moi, ; à mon amour, à mon mal gênant
on ouvrit toutes grandes les portes pour dehors
or dans ce monde d’où je ne sortirai bondieu
que pour payer mon dû, et où je suis gigué déjà
fait comme un rat par toutes les raisons de vivre
hommes, chers hommes, je vous remets volontiers
1 — ma condition d’homme
2 — je m’étends par terre
dans ce monde où il semble meilleur
être chien qu’être homme
(Influences, deux sangs)
Les années de déréliction
......
je vais, parmi des avalanches de fantômes
je suis mon hors-de-moi et mon envers
nous sommes cernés par des hululements proches
des déraisons, des maléfices et des homicides
je vais, quelques-uns sont toujours réels
lucides comme la grande aile brûlante de l’horizon
faisant sonner leur amour tocsin dans le malheur
une souffrance concrète, une interrogation totale
poème, mon regard, j’ai tenté que tu existes
luttant contre mon irréalité dans ce monde
nous voici ballottés dans un destin en dérive
nous agrippant à nos signes méconnaissables
notre visage disparu, s’effaceront tes images
mais il me semble entrevoir qui font surface
une histoire et un temps qui seront nôtres
comme après le rêve quand le rêve est réalité
et j’élève une voix parmi des voix contraires
sommes-nous sans appel de notre condition
sommes-nous sans appel à l’universel recours
hommes, souvenez-vous de vous en d’autres temps
(la vie agonique)
Seul et seule
Si tant que dure l’amour
j’ai eu noir
j’ai eu froid
tellement souvent
tellement longtemps
si tant que femme s’en va
il fait encore
encore plus noir
encore plus froid
tellement toujours
toujours tellement
(poèmes de l’amour en sursis)
Vous pouvez me bâillonner, m’enfermer
je crache sur votre argent en chien de fusil
sur vos polices et vos lois d’exception
je vous réponds non
je vous réponds, je recommence
je vous garroche mes volées de copeaux de haine
de désirs homicides
je vous magane, je vous use, je vous rends fous
je vous fais honte
vous ne m’aurez pas vous devrez m’abattre
avec ma tête de tocson, de nœud de bois, de souche
ma tête de semailles nouvelles
j’ai endurance, j’ai couenne et peu de barbiche
mon grand sexe claque
je me désinvestis de vous, je vous échappe
les sommeils bougent, ma poitrine résonne
j’ai retrouvé l’avenir
La Batèche Séquences
Bibliographie
POÉSIE
Deux Sangs, (avec Olivier Marchand), Montréal, éditions de l’Hexagone, 1953
La marche à l’amour, 1962
La vie agonique, 1963.
L’Homme rapaillé, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1970
L’Homme rapaillé, Paris, éditions Maspero, 1981
L’Homme rapaillé, Montréal, éditions de l’Hexagone, 1994
Courtepointes, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1975
L’Homme rapaillé, éditions Poésie/Gallimard Nrf, 1999 puis 2003, préfacée par Glissant et présentée par Marie-Andrée Beaudet.
Poèmes épars, Montréal, éditions de l’Hexagone, 2003
ESSAIS ET ANTHOLOGIES
Les Signes de l’identité, Outremont, éditions du Silence, 1983
À bout portant, (Correspondance de Gaston Miron et Claude Haeffely, 1954-1965), Montréal, Leméac, 1989
Écrivains contemporains du Québec (Anthologie, en collaboration avec Lise Gauvin), Paris, éditions Seghers, 1989
Les Grands Textes indépendantistes : écrits, discours et manifestes québécois, 1774-1992, (Anthologie, en collaboration avec Andrée Ferretti), Montréal, éditions de l’Hexagone, 1992
Jean Royer, Voyage en Mironnie, Montréal, Éd. Fides, 2004, 282 p.