Angélique lonatos
Le chant de l’olive noire
Angélique lonatos est cette belle voix grecque altière et au souffle immense, parfumée par toutes les vagues de la mer Méditerranée, et qui nous a conduits dans la forêt des hommes.
Traductrice de poètes à l’ombre immense comme Elytis, Cavafy, Ritsos, Séféris, elle a favorisé l’envol des mots par la force entêtante de ses propres musiques.
Restituant le choc élémentaire des paroles, elle a tressé des chants d’amour qui nous reviennent vague par vague, transformant "en morceaux de pierre les dires des dieux".
D’ailleurs quelques cailloux ayant vu les Dieux passent parfois dans sa bouche. Des feulements de félin passent dans ses sourires d’enfant.
La beauté de l’Antique revient avec sa force crue, nous parler de ce pays aux statues violemment peintes, La Grèce, et que nous ne voyons souvent qu’en noir et blanc. Cette Grèce natale, "le pays merveilleux que Dieu gardait pour ses vieux jours mais qu’il a fini par concéder aux Grecs".
Dans sa paume de main, plus large que les constellations, plus sage que l’insomnie des étoiles, Angélique a fait se lever la beauté fière des oliviers tordant le vent, et tordus par lui.
Après ses grands spectacles "Sappho de Mytilène", "Parole de Juillet", "Marie des Brumes" ou "0 Erotas", "La Carte du Tendre", "Frida Kahlo", Angélique fait un point sur elle-même avec "Athènes-Paris via...".
Il s’agit bien d’une traversée des sentiments, d’une promenade tendre, parfois et enjouée dans les jardins de l’Amour et du Temps. Un carnet de bords des émotions, un blues de tous les temps.
Au travers de ses innombrables vagabondages, Angélique revient toujours aux paroles cachées dans les arbres et les pierres. Fidèle au soleil et aux chants mûris par ses messagers, Neruda, Sappho, Elytis, Théodorakis dont elle ne pourra aller au bout de l’univers sombre du " Sanglot des anges ", et de Dimitris Mortotas toujours à découvrir.
Avec ce chant des pythies qui sourd de sa voix grave, qui enveloppe et nous fait voyager comme les Dieux sur les nuages, Angélique effleure l’éternité, habite l’espace des invisibles rumeurs du monde.
Marin au long cours de cette Méditerranée qui l’irrigue, Angélique Ionatos et sa guitare offrent un florilège d’auteurs et de compositeurs portés par la houle sacrée de l’émotion.
Chants d’amour tressés, d’émotions inspirées, de passions à vivre ou déjà vécues, revivent au travers de ce petit bout exalté de femme brune, et la magie descend sur nous comme brume sur le fond de la mer.
Se répondant, se mêlant à ces musiciens, voix et instruments s’enlacent comme treilles au sol noueux.
Angélique, nous fait la courte échelle vers ces soleils qui dansent, plus de trente ans de lumière parmi nous. Belle tragédienne nous expliquant entre ses chansons le sens des êtres, et puis partant dans un fou rire quand la tension se fait trop prégnante, cette brune comme l’encre de chine sur le papier blanc de nos rêves, est la fille de la mémoire et de la mer.
"Aussi loin que remonte ma mémoire, dit Angélique, il y a la mer que prenait mon père, marin".
Et les vagues continuent à battre en elle mais dans le gris de Paris. Sa petite silhouette bondissante sait sauter jusqu’au soleil. Elle prend simplement appui sur les rêves !
Elle continue à dire "L’Alphabet de la mer". Lait et miel dans sa voix noire.
Musique métissée, couleur de lave et de lin a la fois, un voyage initiatique nous conduit à l’lthaque du cœur et Angélique chantera aussi bien des chants traditionnels judéo-espagnols, des populaires grecques et arabo-andalouses, Caussimon, Giani Esposito ou Léo Ferré, que le sang vif des poètes et leurs mots "où personne jamais ne vieillit". Ces poètes qui se doivent d’être comme elle des éveilleurs :
"Que faire de vous, les poètes qui depuis si longtemps feignez les âmes invincibles. Et depuis si longtemps attendez ce que je n’ai jamais attendu debout à la file des objets perdus... On a beau vous appeler - pas un de vous ne bouge - Dehors le monde s’écroule, l’univers chavire. Et vous - comme si de rien n’était - vous réclamez vos droits sur le vide ! Et dans l’haleine fétide de l’humanité vous devenez les cobayes volontaires de l’Au-delà". (Elytis)
Angélique Ionatos, belle et âpre, simple et profonde, ses musiciens sont des doigts de Parques courant sur les peaux du monde, offrent simplement la générosité et la ferveur. Elle sait aussi la colère devant l’injustice et chante ceci :
Liberté
Ne nous parlez plus de héros, ne nous parlez plus de révolution,
dites-nous combien ils restent encore ?
Vous laissez derrière vous des rêves pillés, des mondes gaspillés,
des soleils brûlés, laissez-nous créer.
Une arme en amour, une bombe à lumière, un fusil à fleurs,
une vie sans barrières, laissez-nous rêver.
D’un enfant président, d’un roi sans couronne, d’un Jésus indien,
d’un Dieu qui pardonne, même ceux qui l’oublient.
Vous laissez derrière vous des mères matraquées, des lunes piétinées,
des hommes qui mouraient pour la liberté.
Elle vibre dans son évocation de l’indomptable Frida Kahlo et nous donne "des ailes pour voler". Elle chante pour les opprimés, souvent des femmes : Rosa Luxembourg, Marie, Sappho, Alphonsina Storni...
Angélique, la brune, l’envoûtante se souvient de tous les mots pris dans les branches d’oliviers. Sa sensualité passe sur nous comme une hirondelle de mer, sa flamme amoureuse fait entendre le plein midi en nous. Lumineuse, elle étreint sa guitare, se glisse contre elle merveilleux serpent. Belle et étrange femme elle nous entraîne dans sa belle et étrange patrie "qui construit des bateaux sur terre et des jardins sur la mer".
Oui belle et étrange Angélique.
"Je suis comme les oliviers, plus ils vieillissent, plus leurs racines apparaissent". Angélique Ionatos fait notre son étrange patrie, celle qui construit des jardins sur la terre et des bateaux sur la mer.
Les chants d’Angélique sont des bateaux et sa guitare met le vent dans leurs voiles. Les oliviers font des olives noires qui enfantent des poésies.
“J’écris des vers avec de l’air” clamait Sappho, Angélique est à la fois l’air et les chansons, et surtout la poésie.
Angélique lonatos ou le chant de l’olive noire.
Gil Pressnitzer
Choix de textes
Omorphi ke paraxeni patrida (Belle et étrange patrie)
poème d’Odysseus Elytis
musique Angélique Ionatos
Belle mais étrange patrie
Que celle qui m’a été donnée
Elle jette les filets pour prendre des poissons
Et c’est des oiseaux qu’elle attrape
Elle construit des bateaux sur terre
Et des jardins sur l’eau
Belle mais étrange patrie
Que celle qui m’a été donnée
Elle menace de prendre une pierre
Elle renonce
Elle fait mine de la creuser
Et des miracles naissent
Belle mais étrange patrie
Que celle qui m’a été donnée
Avec une petite barque
Elle atteint des océans
Elle cherche la révolte
Et s’offre des tyrans
Belle mais étrange patrie...
Discographie
2004 - Anthologia
2003 - Canta Frida Kahlo, Alas pa’volar
2000 - D’un bleu très noir
1998 - Chansons Nomades
1997 - Paroles de juillet
1995 - Résurrection
1995 - De la source à la mer
1994 - Mia Thalassa
1994 - La forêt des hommes
1994 - O helios O heliatoras
1992 - O Eratos
1991 - Sapho de Mytilène
1989 - Archipel 1979 / 1989
1989 - Le Monogramme
1989 - Marie des brumes