André Marfaing
Notes de Garance Thouzellier
Né à Toulouse en 1925, André Marfaing décide de s’établir à Paris à partir de 1949 pour se consacrer à la peinture. Il expose à Paris, à l’étranger et participe à l’exposition collective Quinze peintres de ma génération qui se déroule en 1966 à la Galerie L’Atelier, où il propose Crevasse lumière.
Mais c’est seulement à partir des années soixante-dix que Marfaing expose dans sa ville natale, grâce à l’esprit de nouvelles galeries : At Home en février 1970 et Protée en octobre 1972, celle-ci lui organise régulièrement jusqu’à sa fermeture des expositions personnelles.
Dans ses oeuvres de jeunesse, Marfaing est un coloriste de la figuration. Mais à Paris il découvre l’art non - figuratif et abandonne très vite la couleur et la réalité de l’objet pour travailler sur la dialectique de la lumière et de l’ombre, un changement qu’il explique très bien lors d’un entretien avec Jean Grenier :
« Je dessinais des objets, des paysages... mais ce n’étaient là que des prétextes : le noir du fusain, le blanc du papier étant à la fois les moyens et le but. [...] À Paris, fin 1949 j’ai rencontré l’art non-figuratif et deux ans après j’ai passé la frontière qui sépare le figuratif du non-figuratif presque sans m’en rendre compte. Mes paysages devenaient illisibles. [...} J’avais spontanément choisi les valeurs - la couleur n’étant qu’un élément de base utile pour l’harmonie générale. [...} La lumière me touche plus que la couleur. »
Il s’agit pour lui de se libérer du poids du sujet et de se délivrer du figuratif.
Il travaille sur la matière et l’espace, avec une alternance des surfaces pleines et vides par des empâtements qui plus tard l’amènent à une matière plus fluide.
En faisant jouer le fond blanc comme un contre-jour violent, il utilise le noir monochrome dont il développe les richesses : le noir gris, le noir blanchâtre, le noir bleuté, le noir violet et le noir ocré.
Il peint en pulsion, en instinct et le geste devient de plus en plus maîtrisé: à l’aide de spatules ou de brosses, il façonne sa toile à partir de larges traces noires qu’il reprend plus nerveusement de façon à équilibrer les masses et ordonner le « chaos » qui monte en lui.
Sa peinture est spontanée, vivace et dynamique.
Ne souhaitant pas influencer le spectateur mais plutôt lui laisser toute liberté d’interprétation, Marfaing ne titre jamais ses oeuvres: seuls le format et la date sont apportés comme référence.
C’est un peintre pur, sincère, consciencieux et rempli d’émotion, comme le qualifie le critique Schnir:
«L’œuvre dit l’âme. Discret, tenace, acharné du travail, jamais une heure perdue, comme si tout ce qui vit, souffre autour de lui alimentait sa création perpétuelle, un écho toujours attentif, disponible et combien sensible. [...} Ce n’est pas une peinture de décor [...] mais hérissé d’indignation, de colère, explosant de joie forte, drue, le résultat d’un lent travail, un homme en face de ses problèmes cherche sa vérité [..j II s’exprime entier, dit le fond de son être et cela ne trompe pas.»
Dans les toiles de 1967 à 1969 Marfaing utilise des coups de pinceaux qui s’organisent en plan, les affrontements se construisent et la brosse frappe en tout sens.
Dans ses oeuvres de 1970 à 1972 ce n’est plus un contraste entre l’ombre et la lumière, le noir et le blanc, mais celui entre le calme et le tourment, le silence et le cri.
La lumière recule et trouve un compromis dans des tons de gris transparents, le langage pictural se resserre, les formes et les rythmes sont dépouillés.
Lors de l’exposition en 1970 à la Galerie At Home, Robert Aribaut souligne la qualité et l’évolution de ces œuvres :
«Marfaing, pour composer, procède par larges signes fortement architecturés. Les formes s’ordonnent en denses noyaux, que soulignent de larges zones de silence.
D’énergiques et gestuelles hachures, de nerveuses arabesques confèrent un aspect heurté et dynamique au tableau. [...} La composition de la toile est plus aérée et obéit à une plus libre respiration que par le passé. Les noirs sont plus profonds et somptueux que jamais, et les blancs ont un éclat tout ivoirin. [...] Des passages et des fonds de gris sobres et discrets, de rares harmonies bistre rosé soulignent l’éclat d’ébène et de neige des dominantes majeures et l’impeccable architecture de la toile.»
André Marfaing est un des créateurs les plus marquant de ceux qui illustrent l’abstraction lyrique, remplie de poésie. «La peinture de Marfaing frappe et saisit d’emblée par la rare qualité de son silence comme par son intense et subjugante irradiation lumineuse.»(Robert Aribaut).
Certains, comme Pierre Cabanne, associent la dualité ombre - lumière à l’identification du bien et du mal, qui a souvent laissé une trace dans les oeuvres des artistes et poètes méridionaux.
Garance Thouzellier