Dominique Fajeau
Peintre du bleu inaltérable
Dominique Fajeau est un jeune peintre toulousain dont la peinture vibrante, entre abstraction et figuration, déploie des paysages peut-être imaginaires, peut-être réels. Le bleu inaltérable court le long de ces espaces qui ont la lenteur de banquises à la dérive et se heurte aux blancs glacés aux oranges volcaniques. Ce monde où bat le coeur de la glace semble une musique de Sibélius. Établi à Lezac, Fajeau doit encore rêver à la neige.
Voyages immobiles ou Mouvements naissants, sa peinture est pleine de tensions internes, de matières essentielles.Pour saisir au plus près sa peinture, ces textes donnent un éclairage et nous emmènent dans "l’espace où se situe l’événement émotif".
Peintre de l’affleurement de la matière, Dominique Fajeau est un artiste dont la peinture vibrante, entre abstraction et figuration, déploie des paysages peut-être imaginaires, peut-être réels.
Le bleu inaltérable court le long de ces espaces qui ont la lenteur de banquises à la dérive et se heurte aux blancs glacés, aux oranges volcaniques. Voyages immobiles ou mouvements naissants, sa peinture est parcourue de tensions internes, de matières essentielles, d’éléments fondamentaux. Cette peinture est pleine de cristaux qui chantent, de filons de couleurs solidifiées flottant sur l’océan de la toile et qui sont en partance vers des évidences.
Quelques cailloux sur le chemin, des traces balisées de neige, des palais de glace silencieux, des strates de terre d’origine, des fleuves de lave et ces tableaux sortent de l’informel pour rejoindre un monde à sa naissance.
Souvent parcourue par la rivière du bleu, la peinture de Fajeau est faite d’allusions au réel, d’hommage à la matière. Elle se souvient qu’en dessous du concret, flotte le magma de la terre. Nous sommes au-dessous, nous sommes en dedans de cet océan des origines.
Dominique Fajeau, peint l’affleurement de la matière et on entre dans sa peinture comme l’on se baignedans un miroir.
GIL PRESSNITZER
Fajeau est lisse, disert, affable et souriant poli aussi. Polissé à l’inverse de ces rocs qui s’entrechoquent, de ces tourments et de ce vacarme qu’il génère. Il a un accent chantant du Sud-Ouest, un air doux et chaud de méridional, et pourtant il nous entraîne dans les ères de glaciation où les neiges éternelles fendent et crevassent l’écorce terrestre dans des grondements étourdissants.
Les fleuves y charrient des limons épais, les torrents se brisent en cascades vertigineuses, les embruns se mêlent aux nuées masquant la lumière du jour dans une humidité plombée de ciel d’orage. Sous son aspect d’homme du terroir et sédentaire, il nous entraîne vers des horizons inconnus, des rivages inexplorés, des profondeurs abyssales.
Les éléments se liguent, se lient et se marient, ciel, terre, mer, feu, pour nous glacer puis nous réchauffer l’âme, faire plonger notre regard dans l’immensité illimitée d’horizontalités indéfinies. Sa palette s’est teintée dans des reflets d’acier, des eaux profondes, dans les ciels purs, les glaises fécondes, aux neiges immaculées, à l’encre des nuits sans lune. Fajeau nous heurte et nous fait mal, nous blesse de ses arêtes coupantes, de ses angles vifs, du froid cinglant de lames acérées.
Puis nous berce et nous console d’une gerbe, d’une arabesque, d’une rupture de continuité. Nos angoisses et nos tourments se trouvent matérialiséssur ces toiles, prennent corps et couleur pour glisser et se perdre dans l’atmosphère et nous laisser étals, paisibles et pacifiés, libérés du tempset l’espace, enfin guéris.
Elisabeth MARTIN-CRAMER
En vol
Parce qu’il n’est pas né oiseau, Dominique Fajeau est peintre. Mais heureusement pour ces hommes sans ailes, la peinture permet la vision.Mieux, elle la donne. Et ce qu’elle offre à voir n’est autre que le champ d’exploration de l’œil intérieur de l’artiste…
En approchant par le haut les éléments et les choses de la nature, Dominique Fajeau prend de l’élan pour mieux les explorer, il fouille leur matière avec plus d’acuité, cherche ce qu’il y a au-delà de leur apparence...On n’en distingue pas les matériaux eux-mêmes, leur essence réelle, mais on en devine la nature intrinsèque, leur mouvement et leur évolution en puissance.
Non seulement on est délivré de l’échelle, que chacun fixe à sa guise, comme si les peintures de Dominique Fajeau étaient des cartographies libres que l’on pourrait à loisir parcourir, sans limite de réduction à un repère donné, mais on accède également au plaisir secret de choisir l’eau desfleuves ou celle des océans, les terres âcres et les latérites des pays lointains ou les falaises proches aux stries familières ou la lutte des éléments, feu, vent et tempêtes.C’est en cela que ce type d’abstraction picturale, d’ordre presque figuratif, n’exclut pas celui qui regarde. On voit réellement la matière, et pas seulement son concept, on partage l’intention du peintre, son envol et son aspiration à englober la terre entière et ses éléments. Et c’est pour cette apparente familiarité avec l’univers naturel qui nous entoure que les peintures de Dominique Fajeau dégagent à la fois tant d’harmonie et de violente beauté, dans l’évocation qu’elles font surgir d’une émotion déjà éprouvée, celle de la beauté toujours stupéfiante du monde physique, dans sa composante la plus tourmentée, la plus mystérieuse aussi.
Isabelle JarryParis, février 1995