Josep Niebla
L’ogre baroque catalan
Josep Niebla, peintre catalan célèbre, retenu pour réaliser une immense fresque évolutive pendant les récents jeux Olympiques de Barcelone, Niebla donc expose, enfin pour la première fois à Toulouse.
Double exposition en fait avec des petits formats récents à la Galerie de la Pleau, et une rétrospective de ses Œuvres significatives au Centre Culturel Aérospatiale.
D’innombrables expositions et catalogues dans toute l’Europe ont fait connaître sa peinture. Pour connaître l’homme, il faut aller le retrouver dans son village de soleil et de pierres CasaveIls en Catalogne, à deux pas de la maison de son ami Lluis Llach qui vient souvent en basket se perdre dans ses tableaux.
Ce natif, en 1945, des lointaines provinces espagnoles au Maroc (Tetouan) s’est depuis totalement enraciné à Barcelone après un court détour à Séville, et comme une vigne de là-bas, ses racines ont saisi la terre catalane.
Comme le dit son voisin et ami Lluis Llach, grand admirateur de sa peinture :
"Mon amie la mer est l’immense berceau
de tous les biens et dans son flux et reflux de son et de couleur j’apprends le peu
que je sais.
C’est pour cela que
jamais je ne pourrai
m’éloigner de son
battement et, fidèle,
je vivrai dans son intimité jusqu’à ce que
cesse le vent."
Niebla porte bien sûr jusqu’à l’excès les héritages de cette terre lourde. Il y ajoute un besoin féroce de modernité, un appétit de carnassier pour la toile à faire, le désir perpétuel de se renouveler en traversant tous les courants de son temps.
Il crée beaucoup et s’émerveille toujours autant de ses trouvailles. Abstrait presque par nature, ses Œuvres se sont peu à peu emplies de symboles du réel, de graffitis, en fait de signes d’engagement en tant que citoyen du monde. Ses toiles donnent un certain vertige car beaucoup de directions contradictoires y sont explorées, ouvertes, puis abandonnées aux orties du temps
Grands formats, petits formats, fresques murales, dessins une telle frénésie créatrice étonne. Surtout que cette urgence intérieure tranche avec le calme minéral de son refuge adossé à une église, ni d ’ombres et de silence. Il y a en fait une violence détournée dans sa peinture.
Ce peintre est un ogre qui dévore son temps. Mais de façon méthodique, maniaque, ordonnée. Son antre est une véritable usine et il surveille tout d’un œil coléreux et jaloux.
Partout dans ses toiles, des traces, des collages, de ce monde en gésine.
"Chaque toile de Niebla porte les vibrations latentes de l’humanité". Intégrant suivant ses nécessités intérieures, des pièces de métal forgées chez le voisin maréchal-ferrant, ou d’autres matières, que le hasard transformera en évidence,
Niebla poursuit une œuvre excessive, lyrique, irritante parfois par sa symbolique appuyée.
Souffle immémorial de la mer Méditerranée, chaleur des pierres, terre en fusion, tout cela passe dans Niebla et son avidité de vivre, de posséder qui rappelle d’autres ogres catalans Clavé, Dali, Miro, Tapies.
L’ogre Niebla, assoiffé de couleurs, de représentations du monde ou les métaphores abondent : roses, bouteilles, machines à écrire, livres, silhouettes humaines, l’ogre Niebla nous dévore par sa peinture.
Gil Pressnitzer