Ingeborg Bachmann
Choix de textes
Traductions et adaptations personnelles
la nuit à pas de cheval
la nuit à pas de cheval, devant la porte le noir destrier,
mon cœur tremble comme avant et me tend de volée la selle,
rouge comme le licol, que Diomède me prête.
Le vent me saute dessus violemment dans les rues sombres
et partage la boucle noire des arbres dormants,
dont les fruits que la lune mouille
sautent en s’affolant sur l’épaule et l’épée,
j’ai jeté mon fouet sur une étoile éteinte.
une fois seulement je retiens mon pas, pour embrasser tes lèvres infidèles
déjà tes cheveux se trouvent dans les rênes,
et ta chaussure dort dans la poussière.
J’entends encore ta respiration
et le mot, avec lequel tu me battais
jour en blanc
en ces jours je me lève avec les bouleaux
et je peigne mes cheveux de blé depuis le front
devant un miroir de glace.
avec mon souffle mélangé,
le lait floconne.
si tôt il mousse.
et quand je soulève le carreau, apparaît,
peint par une main d’enfant,
à nouveau le mot: innocence!
après tant de temps.
en ces jours je n’ai plus mal,
de pouvoir être oubliée
et que je doive me souvenir de moi.
j’aime. Jusqu’à la folie
j’aime et je remercie avec des saluts anglais.
je les ai appris en vol.
en ces jours je pense à l’albatros
avec lequel je tournoie
de haut en bas
dans un pays non écrit.
à l’horizon je perçois,
brillant dans le crépuscule,
mon continent superbe,
là-bas en face, qui me congédie
dans la chemise de la mort.
Je vis et entends de loin son chant du cygne
exil
je suis un mort qui marche
nulle part annoncé
inconnu dans le royaume des arrêtés préfectoraux
surnuméraire dans les villes d’or
et dans les pays verdoyants
depuis longtemps dédaigné
à qui nul ne pense
seulement avec vent avec temps avec sons
car je ne peux vivre au milieu des hommes
moi avec cette langue allemande
ce peuple autour de moi
que je prenais comme maison
je passe au travers de toutes les langues
ô comme elles s’obscursissent
les sombres notes de la pluie
seulement ne tombent guère
dans des zones plus claires elle soulève alors le mort
Vos mots
dédiée à Nelly Sachs, l’amie, la poétesse
Vous mots, levés, allez dans moi!
et nous sommes aussi déjà plus loin,
allés trop loin, et encore une fois cela va
plus loin, cela va vers aucune fin.
cela n’éclaire plus.
Le mot derrière soi
pourtant va ramener vers nous
d’autres mots
phrase après phrase.
Ainsi devrait le monde
définitif
s’imposer,
être déjà dit.
Elle ne le dit pas.
Vous mots, dans moi,
qui jamais ne seront plus valables
-non pas ce désir de parole
de dicton et de contradiction!
Laisse une pause maintenant
le sentiment ne peut être parlé
le muscle du cœur
s’exercera autrement.
Laisse, je dis, laisse.
rien dans l’oreille suprême
rien, je dis, ne soit chuchoté,
dans la mort rien ne t’effondres
laisse, et dans moi, ni doux
ni amer non plus,
sans consolation,
pas défini,
et aussi pas sans signe-
et seulement pas cela : une image
dans le cocon de la poussière, éboulis vides
de syllabes, de mots de morts.
Aucun mot de mort,
vous les mots !
la grande cargaison
la grande cargaison de l’été est embarquée.
les bateaux du soleil sont prêts à appareiller dans le port,
quand derrière toi les mouettes s’abattent et crient fort.
la grande cargaison de l’été est embarquée.
les bateaux du soleil sont prêts à appareiller dans le port.
et sur les lèvres des galions la figure
vient nu le sourire des lémures.
les bateaux du soleil sont prêts à appareiller dans le port.
quand derrière toi les mouettes s’abattent et crient fort.
du couchant vient l’ordre de sombrer;
alors yeux ouverts dans la lumière tu seras noyé
quand derrière toi les mouettes s’abattent et crient fort.
tombe, cœur
tombe, coeur de l’arbre du temps,
vous feuilles tombez, depuis les branches gelées
qui jadis enlaçaient le soleil,
tombez, comme les larmes tombent des yeux dilatés!
la boucle vole encore tout le jour dans le vent
autour du front bruni du dieu de ce pays,
sous la chemise le poing presse
déjà la blessure béante.
Pour cela tu dois être dur, quand le tendre dos des nuages
se penche encore une fois vers toi,
prends le pour du rien, quand du mont Hymettos les rayons de miel
te remplissent pleinement encore.
Car pour le paysan une tige dans la sécheresse
ne vaut pas grand-chose,
pas grand-chose l’été de nos grands lignages.
Et que témoigne déjà ton cœur ?
il balance entre hier et demain.,
muet et étranger,
et ce qu’il bat
et déjà sa chute hors du temps.
Psaume
I
Tais-toi comme moi, comme toutes les cloches se taisent!
dans la naissance nocturne de la terreur
cherche la vermine de la nourriture.
à la vue une main de Vendredi saint pend
au firmament, il lui manque deux doigts
elle ne peut jurer, que tout cela
que tout cela ne fut pas, et rien
ne sera pas. Elle se plonge dans le rouge des nuages,
perpètre les nouveaux meurtres
et repart libre.
saisir à la fenêtre les nuits sur le monde, rejeter les lins,
que le secret intime des malades a purement déroulé,
un ulcère empli d’aliments, des douleurs sans fin
pour chaque goût,
les bouchers retiennent, gantés,
le souffle des dénudés,
la lune dans la porte tombe à terre,
laisse les débris par terre, l’anse…
tout avait été jugé pour l’extrême-onction.
(le sacrement ne peut pas être pleinement administré)
II
Tout est vanité.
une ville se vautre dedans,
relève-toi de la poussière de cette ville,
surmonte la charge,
et fais semblant
d’aller vers un bénévolat.
tiens tes promesses
devant un miroir aveugle dans l’air,
devant une porte fermée dans le vent,
les chemins du mur abrupt du ciel ne sont pas foulés.
III
Ô yeux, brûlés dans le grenier-soleil de la terre,
avec le fardeau de tous les autres yeux chargés,
et maintenant pris dans un cocon, tissés
par le rouet tragique
du présent…
IV
dans l’auge de mon mutisme
repose un mot
et traîne des deux côtés de vastes forêts,
pour que ma bouche
repose totalement dans l’ombre.
(Die gestundete Zeit. 1953)
Bibliothèques
Les bibliothèques se courbent sous le poids
les volumes sont écrasés par la charge du passé
poussière est devenue leur sueur
rigidité sont leurs pulsions
Ils ne connaissent plus de combat.
Ils se sont sauvés
sur l’île du savoir.
parfois ils en ont perdu leur conscience.
mais par endroits se dressent
d’eux des doigts humains
et montrent tout droit le mitan de la vie
ou du ciel
Invocation de la grande ourse
grand ourse, sort de ta nuit en désordre
fourrure de nuages avec des yeux vieux,
yeux d’étoiles,
sous la broussaille déferlent étincelantes
tes pattes avec les griffes
griffes d’étoiles,
aux aguets nous tenons les troupeaux,
pourtant fascinés par toi, et méfiants, envers tes flancs fatigués
et des dents à moitié dénudées,
vieille ourse.
un cône de sapin: notre monde.
Vous : vos dépouilles à l’intérieur.
je les traîne en roulant
des sapins de l’origine
aux sapins de la fin,
je les hument, je les tâte au fond de la gueule
et les renferme avec les pattes.
Ayez crainte, ou n’ayez pas crainte !
comptez dans le tronc de quête et donnez
à l’aveugle juste un bon mot,
pour qu’il tienne en laisse l’ours,
et épicez bien l’agneau,
il se pourrait, que cet ours
se détache et ne menace plus
et chasse tous les cônes de pin, qui sont tombés des sapins,
les grands, les ailés
qui surgissent du paradis.
Tous les jours
la guerre ne sera plus jamais élucidée, mais plutôt
poursuivie. L’inavouable
est devenu quotidien, le héros reste loin du combat. Le faible
est déplacé dans la zone de feu.
L’uniforme des jours est la patience,
la décoration de la misérable étoile.
l’espoir par-dessus les cœurs.
il sera décoré,
quand plus rien n’arrive,
quand la trompette du champ de bataille se tait,
quand l’ennemi est devenu invisible
et l’ombre une armure éternelle
qui recouvre le ciel.
Il sera décoré
pour la fuite devant les drapeaux,
pour la bravoure de l’ami,
pour la trahison de secrets indignes
et le dédain
de tous les ordres.
Paris
Écoutez la poésie
envolée des roues de la nuit
les perdus dorment
dans les couloirs plein de tonnerre d’en bas
où nous sommes, il y a la lumière.
Nous avons les bras chargés de fleurs,
des mimosas de beaucoup d’années;
le doré tombe de pont en pont
sans souffle dans le fleuve.
froide est la nuit,
encore plus froide la pierre devant le portail
et la vasque des fontaines
est déjà vidée à moitié.
Qu’adviendra-t-il, quand nous resterons
et nous interrogerons, pris du mal du pays
jusqu’à nos cheveux en fuite,
Qu’adviendra-t-il, si nous admettions la beauté ?
soulevés par les voitures de la lumière,
également aux aguets, nous sommes perdus.
au-dessus des rues l’esprit,
pourtant là où ne sommes pas, c’est la nuit.
le soir je questionne ma mère
le soir je questionne ma mère
en secret sur le son des cloches,
comment je dois interpréter les jours
et me tenir prête pour la nuit.
Au fin fond j’aspire toujours
de tout raconter sans trêve,
en accords à faire le tri,
de ces sons qui m’entourent en jouant.
Doucement nous épions ensemble:
ma mère à nouveau me rêve,
et elle atteint mon être, par le majeur et le mineur,
comme des vieilles chansons
(juin-juillet 1948)
Manœuvres d’automne
je ne dis rien : c’était hier. Avec aucune valeur.
l’argent de l’été nous le remettons dans nos poches dans la balle de la dérision dans les manœuvres d’automne du temps, dans les manoeuvres d’automne du temps. Et les chemins de fuite vers le Sud ne viennent pas à nous, comme les oiseaux, nous secourir. Par-dessus, le soir, passent des chalutiers et des gondoles, et parfois me touche un éclat du marbre repu de rêves, et j’y suis merveilleusement bien, à travers la beauté dans les yeux.
Dans les journaux je lis beaucoup sur les froidures, et leurs suites, de fous et de morts, de réfugiés, d’assassinats et des myriades de glaçons, mais peu en fait, sur qui me plairait.
D’ailleurs pourquoi ? à l’arrivée du midi, devant le mendiant je claque la porte, cela est.
Paix et l’on peut s’épargner la vue, mais pas la mort sans joie des feuilles dans la pluie.
Laissez-nous faire un voyage ! laissez-nous contempler sous les cyprès ou aussi sous les palmiers ou dans les allées des orangers le coucher de soleil à la splendeur réduite, qui nulle part ailleurs n’a de semblable!
Laissez-nous oublier les lettres non répondues dans le jadis ! Le temps fait des miracles. Mais il nous vient injuste, avec le choc de la faute: nous ne sommes pas à la maison.
Dans la cave du cœur, sans sommeil, je me retrouve à nouveau, sur la balle de la dérision, aux manoeuvres d’automne du temps.
Le temps différé
Écoutez la poésie !
il vient des temps très durs.
ceux-là par l’écho du temps différé
deviennent visibles à l’horizon.
Bientôt tu devras lacer tes chaussures
et rappeler de la chasse les chiens dans les marches de la cour,
car les entrailles des poissons
sont devenus glacées dans le vent.
Pauvrement brûle la lumière des lupins.
Ton regard marque le brouillard :
ceux-là par l’écho du temps différé
deviennent visibles à l’horizon.
Là-bas disparaît pour toi l’Aimé dans le sable,
qui monte sur ses cheveux flottants,
il lui coupe la parole
il lui ordonne de se taire,
il le trouve mortel
et souhaitant l’adieu
après chaque étreinte.
Ne regarde pas autour de toi
lace tes souliers
rappelle tes chiens de la chasse,
jette le poisson à la mer.
Éteins les lupins !
il vient des temps très durs.
si noir à dire
écoutez la poésie
tel qu’Orphée je la joue
sur les cordes de la vie de la mort
et dans la beauté de la terre
et tes yeux, qui exploitent le ciel,
je ne sais que dire les ténèbres.
N’oublie pas, que toi aussi, soudain,
un matin précis, quand ton gîte
encore humide de rosée et d’œillets
sur ton cœur dormait, tu vis le sombre fleuve,
qui défilait devant toi.
Les cordes du silence
tendues des vagues du sang,
je saisis ton cœur sonnant,
tes boucles étaient changées
en la chevelure d’ombre de la nuit,
les noirs flocons des ténèbres
enneigé ton visage.
Et je ne t’entendais plus.
Tous les deux nous nous lamentions.
Mais comme Orphée
je sais qu’au côté de la mort la vie
et en moi scintille
tes yeux à jamais refermés
Rondes
Rondes- l’amour tient souvent
dans l’extinction des yeux,
et nous voyons en eux
nos propres yeux éteints.
Du cratère une fumée froide
souffle sur nos cils;
le terrible vide ne retient
sa respiration qu’une fois.
Nous avons vu les yeux morts
et nous ne l’oublierons jamais.
l’amour dure le plus longtemps
mais il ne nous reconnaît pas
la pénombre
nous étions étendus tous les deux les mains dans le feu
toi pour le vin de la longue nuit mise en cave
moi pour les tourments du matin, qui ne connaissent point de pressoir.
du maître, auquel nous faisons confiance le soufflet attend,
comme les soucis le réchauffent, entrèrent les joueurs d’instruments à vent.
Il va, avant qu’il soit jour, il vient avant que tu ne l’appelles, il est vieux
comme la pénombre sur nos minces sourcils.
encore il fait cuire le plomb dans la marmite des larmes,
toi pour une verre- cela vaut la peine de fêter la négligence-
moi pour des éclats de verre plein de fumée- que nous avons vidé sur le feu.
Je me poussais contre toi et j’obligeais les ombres à sonner.
reconnu il est, ce qui maintenant hésite
reconnu, quand le dicton est oublié.
Tu ne peux ni ne veux le savoir
tu bois depuis le bord, là où c’est frais
et nous passons dans le jadis, tu bois et demeures sobre,
de toi poussent encore des sourcils, toi tu fais encore en sorte!
mais moi je suis déjà l’instant,
comptant sur l’amour, à moi manquent les éclats de verre
dans le feu, moi je deviens comme plomb,
qu’il fut. Et derrière la colline
je me lève, borgne, déterminée, toute petite
et je les envoie à la rencontre du matin.
Pour le poème suivant, très emblématique, nous avons voulu aussi donner le texte original, pour que certains puissent se rendre compte des méandres durs et surréalistes des images de Bachmann.
Curriculum Vitae
Lang ist die Nacht,
lang für den Mann,
der nicht sterben kann, lang
unter Straßenlaternen schwankt
sein nacktes Aug und sein Aug
schnapsatemblind, und Geruch
von nassem Fleisch unter seinen Nägeln
betäubt ihn nicht immer, o Gott,
lang ist die Nacht.
Mein Haar wird nicht weiß,
den ich kroch aus dem Schoß von Maschinen,
Rosenrot strich mir Teer auf die Stirn
und die Strähnen, man hatt’ ihr
die schneeweiße Schwester erwürgt. Aber ich,
der Häuptling, schritt durch die Stadt
von zehnmalhunderttausend Seelen, und mein Fuß
trat auf die Seelenasseln unterm Lederhimmel,
aus dem
zehnmalhunderttausend Friedenspfeifen
hingen, kalt. Engelsruhe
wünscht’ ich mir oft
und Jagdgründe, voll
vom ohnmächtigen Geschrei
meiner Freunde.
Mit gespreizten Beinen und Flügeln,
binsenweis stieg die Jugend
über mich, über Jauche, über Jasmin ging’s
in die riesigen Nächte mit dem Quadrat-
wurzelgeheimnis, es haucht die Sage
des Tods stündlich mein Fenster an,
Wolfsmilch gebt mir und schüttet
in meinen Rachen das Lachen
der Alten vor mir, wenn ich in Schlaf
fall über den Folianten,
in den beschämenden Traum,
daß ich nicht taug für Gedanken,
mit Troddeln spiel,
aus denen Schlangen fransen.
Auch unsere Mütter haben
von der Zukunft ihrer Männer geträumt,
sie haben sie mächtig gesehen,
revolutionär und einsam,
doch nach der Andacht im Garten
über das flammende Unkraut gebeugt,
Hand in Hand mit dem geschwätzigen
Kind ihrer Liebe. Mein trauriger Vater,
warum habt ihr damals geschwiegen
und nicht weitergedacht?
Verloren in den Feuerfontänen,
in einer Nacht neben einem Geschütz,
das nicht feuert, verdammt lang
ist die Nacht, unter dem Auswurf
des gelbsüchtigen Monds, seinem galligen
Licht, fegt in der Machttraumspur
über mich (das halt ich nicht ab)
der Schlitten mit der verbrämten
Geschichte hinweg.
Nicht das ich schlief: wach war ich,
zwischen Eisskeletten sucht’ ich den Weg,
kam heim, wand mir Efeu
um Arm und Bein und weißte
mit Sonnenresten die Ruinen.
Ich hielt die hohen Feiertage,
und erst wenn es gelobt war,
brach ich das Brot.
In einer großspurigen Zeit
muß man rasch von einem Licht
ins andre gehen, von einem Land
ins andre, unterm Regenbogen,
die Zirkelspitze im Herzen,
zum Radius genommen die Nacht.
Weit offen. Von den Bergen
sieht man Seen, in den Seen
Berge, und im Wolkengestühl
schaukeln die Glocken
der einen Welt. Wessen Welt
zu wissen, ist mir verboten.
An einem Freitag geschah’s
– ich fastete um mein Leben,
die Luft troff vom Saft der Zitronen
und die Gräte stak mir im Gaumen –
da löst’ ich aus dem entfalteten Fisch
einen Ring, der, ausgeworfen
bei meiner Geburt, in den Strom
der Nacht fiel und versank.
Ich warf ihn zurück in die Nacht.
O hätt ich nicht Todesfurcht!
Hätt ich das Wort,
(verfehlt ich’s nicht),
hätt ich nicht Disteln im Herz,
(schlüg ich die Sonne nicht aus),
hätt ich nicht Gier im Mund,
(tränk ich das wilde Wasser nicht),
schlüg ich die Wimper nicht auf,
(hätt ich die Schnur nicht gesehn).
Ziehn sie den Himmel fort?
Trüg mich die Erde nicht,
läg ich schon lange still,
läg ich schon lang,
wo die Nacht mich will,
eh sie die Nüstern bläht
und ihren Huf hebt
zu neuen Schlägen,
immer zum Schlag.
Immer die Nacht
Und kein Tag.
© Piper Verlag GmbH, München 1978
Extrait de: Anrufung des Großen Bären 1956..
Curriiculum vitae
longue est la nuit
longue pour cet homme,
qui ne peut pas mourir, longuement
sous les lanternes des rues chancelle
son œil dénudé et son œil
aveuglé par le souffle de la gnole, et les relents
de la viande mouillée sous ses ongles
ne l’engourdissent plus jamais, O Dieu,
longue est la nuit.
Mes cheveux ne deviennent pas blancs
car j’ai rampé hors du giron des machines,
rouges roses le goudron m’a barré le front
et les mèches, l’on a étranglé la soeur blanche neige. Mais moi
le chef de tribu, je marche à travers la ville
aux dix fois cent mille âmes, et mon pied
est entré dans les âmes grouillantes sous le ciel de cuir,
de là
dix fois cent mille calumets de la paix
étaient pendus, froids, je me souhaite souvent
le repos des anges
des territoires de chasse, remplis des cris impuissants
de mes amis.
jambes et ailes écartées
avec la sagesse des joncs
les jeunes montaient par-dessus moi,
par-dessus le purin, par-dessus le jasmin
dans la géante nuit avec le secret des racines carrées,
souffle la légende de la mort
à chaque heure à ma fenêtre,
elle me donne le lait de la louve et renverse
le rire des anciens en moi dans ma vengeance, quand je dors
tombant sur les in-folios
dans le rêve honteux,
afin de ne pas me soucier de pensées,
jouant avec les glands d’où s’effilochent ces serpents.
nos mères aussi ont rêvé
de l’avenir de leurs hommes,
elles les ont vus puissants,
révolutionnaires et seuls,
pourtant après le recueillement au jardin,
tordus au-dessus des mauvaises herbes en flammes,
main dans la main avec l’enfant bavard de leur amour. Mon père triste
pourquoi vous êtes-vous tu jadis et n’avez pas réfléchi plus avant?
perdue dans les fontaines de feu,
dans une nuit proche d’une pièce d’artillerie,
qui ne tire pas, longuement maudite
est la nuit, sous les crachats
de la lune jaune amer, sa lumière bilieuse
donne un coup de balai dans la trace du rêve de puissance
au-dessus de moi (cela je ne peux l’empêcher)
au loin les traîneaux des histoires enjolivées passent.
ce n’est pas que je dormais: j’étais éveillé,
entre les squelettes glacés je cherchais le chemin,
je suis rentré chez moi, me suis promené avec le lierre
enlacé autour de bras et jambe et il blanchissait
les ruines avec les restes du soleil.
Je me tenais aux jours de fête
et seulement quand cela était loué
je rompais le pain.
En un temps vantard
on doit faire vite de passer d’une lumière
à une autre, d’un pays
à un autre, sous des arcs-en ciels
le cercle du compas dans le coeur,
du rayon la nuit prise.
Ouvert largement. Depuis les montagnes
on voit les mers, dans les lacs les montagnes
et dans les bancs des nuages
les cloches tanguent
d’un monde unique. Savoir de ce monde
m’est interdit.
Un certain vendredi cela advint
- je jeûnais pour ma vie,
l’air débordant de la douceur des citrons
et dans mon palais se planta l’arête -
là je détachais un anneau d’un poisson grand ouvert
qui, jeté au loin à ma naissance,
sombra dans le fleuve de la nuit et coula.
Je le jetais à nouveau dans la nuit.
Ah si je n’avais pas cette peur de la mort!
si j’avais eu le mot
(je n’aurais pas dû le manquer),
si je n’avais pas ce chardon dans le coeur,
( je n’aurais pas donner une ruade au soleil),
si je n’avais ce désir ardent dans la bouche,
( je n’aurais pas bu l’eau sauvage),
je n’aurais pas ouvert les cils,
( si je n’avais pas vu cette farce).
est-ce que les cieux se traînent au loin?
la terre ne me portait plus,
je reposerais déjà longuement silencieuse,
je reposerais déjà longuement,
là où la nuit me veut,
avant que les naseaux se gonflent
et que leurs sabots se lèvent,
pour de nouvelles ruades,
toujours pour la bataille, toujours la nuit
et aucun jour.
frère aimé
frère aimé, quand construirons-nous un radeau
et descendrons-nous le ciel?
mon frère aimé, bientôt la cargaison sera trop grande
et nous coulerons.
Mon cher frère, nous dessinons sur du papier
beaucoup de pays et des voies ferrées,
prends garde, avant ces lignes noires d’ici
tu sauteras très haut sur des mines.
mon frère aimé, alors je serai attachée au poteau
et je crierai
mais toi tu chevauches déjà de la vallée des morts
et nous nous enfuyons tous deux.
nous veillons au campement tzigane et veillons dans la tente du désert,
le sable nous coule dans les cheveux,
ton âge et mon âge et l’âge du monde
on ne peut les mélanger avec les années.
ne te laisse pas abuser par les corbeaux rusés
par la main collante de l’araignée et par la plume dans le buisson
et ne mange et ne bois au pays de Cocagne
la lueur mousse au fond des poêles et des cruches
seul qui sur le pont d’or de la fée
sait encore le mot, a gagné.
Je dois te le dire, il a fondu
avec les dernières neiges dans le jardin
De tant et tant de pierres nos pieds sont tellement blessés,
l’un guérit. Avec celui-ci nous voulons sauter
jusqu’à ce que le roi des enfants nous mène avec la clé de son royaume à la bouche,
et nous chanterons.
qu’il est beau le temps où germe le noyau des dattes!
Quiconque qui tombe, a des ailes.
il y a un dé rouge qui coud le linceul des pauvres,.
mon sceau sombre dans la feuille de ton coeur.
Amour, il nous faut aller dormir, sur la pointe des pieds, la pièce est finie,
les chemises blanches gonflent
père et mère disent, la maison est hantée
quand nous échangeons nos souffles
les ports étaient ouverts
les ports étaient ouverts. Toutes voiles dehors,
le rêve par-dessus bord, nous y sommes embarqués,
fers aux genoux et rires autour de nos cheveux,
car nos rames frappaient la mer, plus vite que Dieu.
nos rames frappaient les aubes de Dieu et partageaient les flots;
au-devant était le jour, et derrière restaient les nuits,
au-dessus était notre étoile,en bas sombraient les autres,
dehors se taisait la tempête, dedans poussait notre poing.
Seulement quand une pluie prit feu, nous guettâmes à nouveau;
des lances s’abattaient et des anges entrèrent,
fixant des yeux plus noirs dans nos ténèbres.
Nous étions là, anéantis. Nos blasons s’envolèrent:
une croix dans le sang et un plus grand navire sur notre cœur