René Gouzenne

Hommages

Parmi tous les mots dits ou retenus en soi pour rendre hommage à ce creuset de générosité, d’aventures et de sagesse qu’était René Gouzenne, en voici trois pour encore et toujpurs le célébrer, comme pour « le vingtième exercice d’admiration. »

René Gouzenne, un dernier applaudissement

Nous aurions pu ajouter avec Aragon :

« La vie est pleine d’échardes

Elle est pourtant la vie

Et cela fait du bien la nuit parfois de crier »

et Berthold Brecht qu’il aimait tant aurait continué :

« Lorsque qu’un homme assiste sans broncher à une injustice,

les étoiles déraillent. »»

La mort, ce matin, est pour nous une injustice. Mais René nous aurait dit que non. Que c’est ainsi. Que nous sommes tous des témoins entre deux horizons et que nous aidons un petit peu à la course de la lumière dans la nuit.

Regardez : la haute silhouette de René quitte la rue du Taur et marche maintenant dans l’infini à la recherche de Godot en compagnie de Vladimir et d’Estragon, de Pozzo et de Lucky.

On l’entend maugréer devant un public d’étoiles :

« Elle est si con la lune. Ça doit être son cul qu’elle nous montre toujours. » (Molloy)

Les étoiles applaudissent. Il grêle sur nous du feu.

René continue de marcher même si nous ne le voyons pas.

René Gouzenne est vivant, il s’appelle René. Il est né deux fois. Alors pas de soucis pour les poètes.

Un morceau de poème de la pyramide de la voix de la poésie s’est détaché pourtant de la terre cette nuit. Un morceau de Toulouse s’en est allé dans la Garonne jusqu’à la mer infinie où les poètes nagent.

L’histoire de théâtre toulousain, et celle de la poésie, a perdu aujourd’hui un de ses Homère. Celui qui récitait les nouvelles Odyssées du monde avec ses clochards célestes.

Un pohémien est mort.

La bouche qui récitait, la bouche de lecture est partie.

Parti le creuseur de sens. Parti le diseur du courage des hommes dans l’histoire. Parti l’amant de l’amour.

Celui qui chaque jour nous portait le poème comme le pain nous laisse devant une table vide avec le verre de vin qu’il nous servait.

Est poète celui qui fait de l’autre un poète et René nous a appris à écouter et à dire dans sa bouche.

Je me souviens de mon premier poème, sous les projecteurs, dit devant lui. Devant le maître, celui qui avait rencontré Jean Vilar, qui avait écrit à Aragon, qui récitait Beckett.

C’était une époque où nous pleurions lorsque nous écoutions les poèmes.

René Gouzenne était à lui tout seul une épopée du théâtre et du poème.

Mais comment raconter sa vie, par quel commencement, alors que nous savons que les commencements sont arbitraires et que souvent ils viennent de devant nous ?

On pourrait commencer avec le « Théâtre de Toile » qu’il fonda dans le Gers, alors qu’il était un instituteur qui portait encore le beau nom de maître d’école. René Gouzenne avec une plume un encrier et un buvard. René Gouzenne qui apprenait l’orthographe et le style, et l’émancipation par le savoir.

René Gouzenne, était de la race des transmetteurs, de ceux qui ont toujours cru que la culture et le poème pouvaient changer le monde.

Naturellement, son travail artistique s’était inscrit, depuis les débuts, dans le cadre de la « Fédération des œuvres laïques » et du mouvement de l’éducation permanente et populaire. Jusqu’à aujourd’hui. La Cave poésie c’est aussi cette alliance entre la création et le peuple.

Artiste, René Gouzenne l’était jusqu’au bout des ongles : sa vie, son talent, ses qualités morales, son intelligence, sa générosité, sa façon de danser et d’aimer témoignent de cette relation étroite qu’il entretenait entre éthique et esthétique.

Son théâtre, transmis depuis les Grecs qui faisaient du spectateur non un consommateur de distraction mais un citoyen, était sa raison d’être.

Son art de comédien était inséparable de cette conviction.

Homme de gauche oui, mais homme aussi de tous, et surtout homme de fidélité et de résistance. Tolérant dans ses convictions et mettant les valeurs humaines au-dessus des idéologies, il invitait le poème à sa table au milieu de tous.

René Gouzenne, un ouvrier, un maître d’école à l’oreille occitane, un artiste, un aristocrate du peuple, un chevalier de la récitation et du tableau noir, parfois comme un drapeau.

Donneur de parole.

Combien firent avec lui dans la lumière de la nuit leurs premières armes, leurs premières âmes ?

Je ne les citerai pas vous les reconnaîtrez dans mes trous.

René Gouzenne avec Danièle Cathala creusa la cave en 1968, poignée de terre par poignée de terre, avenir par avenir. Ils disaient à cette époque les « Poèmes pour la Commune de Paris » dans les rues et les MJC, et d’autres textes aux énumérations de chair et de sens.

Pardonnez-moi, parler d’un ami c’est l’évoquer dans le désordre. Comme dans un dialogue d’exilé.

Comment raconter son théâtre ? si ce n’est en commençant avec Aragon qui écrivit presque pour lui :

« Je suis à la roulette de mon corps et je joue sur le rouge. Tout me distrait indéfiniment, sauf de ma distraction même. »

et René Gouzenne le rêveur disait toujours avec lui :" Il y a toujours un rêve qui veille".

Gouzenne le réciteur d’Eluard, de Beckett, de Hrabal, de Brecht et de tant d’autres, le chanteur de Ferré, de Caussimon et de tant d’autres…

Celui du Condamné à mort et de l’Affiche rouge.

René Gouzenne avait la force de l’incarnation des grands du théâtre, dont beaucoup l’ont reconnu comme un des leurs.

Je n’ai jamais pu relire Beckett ou les proses d’Aragon sans sa voix, sans ses mains et son sourire.

Bohumil Hrabal, cette grande révélation du roman tchèque, fut un des pics de l’incarnation gouzenienne que son théâtre nous montra. On peut dire que René Gouzenne fut l’acteur, l’actant de Hrabal. Sa réincarnation au-dessus de ses piles de livres jetés par la barbarie du haut de ses fauteuils défoncés, ses souterrains, ses soupiraux, ses lampes noires : « Longtemps les textes que j’écrivais, disait Hrabal, m’ont réveillé la nuit et m’effrayaient à tel point qu’il m’arrivait de bondir hors de mon lit, couvert de sueur. »

René Gouzenne nous réveillait toujours dans la bruyante solitude des hommes.

C’est vrai « qu’Un théâtre où on ne rit pas est un théâtre dont on doit rire ». C’est vrai que « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu ». Merci camarade Brecht.

René Gouzenne était un aventurier et un sage comme la définition écartelée du poème.

Homme de risque : qui se souvient de ses courses en équilibre sur le parapet du Pont neuf de Toulouse ou ses gymnastiques funambules en haut du Colisée de Rome où la police vint l’arrêter ?

Cet amateur de parapente était un cascadeur de la diction et des textes impossibles à dire, des récits, de l’absurde de la vie dans lequel il décelait, assis sur un banc ou devant un tas d’ordures, l’indicible joie.

On appelait René Gouzenne le cycliste d’Avignon. Tous se souviennent de cet homme et de son costume immaculé, sillonnant la ville et dévalant les escaliers de la Cour d’honneur avec son vélo.

René Gouzenne a été l’honneur du poème et du théâtre auquel il a donné sa vie.

Sa mort est un grand trou où le poème passe.

René Gouzenne va continuer à nous visiter et à réciter la poésie du monde. À travers nous, à travers vous.

Dans chaque morceau d’écriture dit, il sera là, sous chaque projecteur on trouvera son ombre, à chaque entracte on boira son verre de vin.

Les lèvres de la lumière, quelque part dans les étoiles, récitent encore pour nous les poèmes que nous aimons.

Au bas d’un escalier de l’autre côté de l’univers, sous un projecteur, la parole retentit.

Elle sort de loin, elle vient d’un gouffre et de la nuit des temps.

René Gouzenne arrive, René Gouzenne va continuer à réciter et à jouer.

Sa mise en scène dans les étoiles est celle d’une nouvelle constellation.

La nuit l’applaudit avant qu’il ne récite.

Son élégance, sa dignité, sa voix sont les ombres lumineuses que la Cave va continuer à porter.

Ses briques sont ses yeux qui nous regardent en gardant le poème du monde.

« Le sujet s’éloigne du verbe... et le complément direct vient se poser quelque part dans le vide… » disait Samuel Beckett.

René : entend ici-bas ce dernier applaudissement pour toi.

Serge Pey, 22 juillet 2007

La silhouette même de la générosité

Il était intimidant de loin avec la silhouette des personnes qui ne se laissent pas aller et qui semblent avoir emmagasiné les leçons de la vie.

Ses choix prouvaient une constance dans ses préoccupations dont l’homme était le centre. Il offrait naturellement la présence du Maître, lui qui était simple sur ce sujet. Puis lorsqu’on l’approchait, on découvrait l’être chaleureux, charmeur, fragile, et au respect s’ajoutait l’affection.

À l’époque où la Ville rose était animée d’un souffle ibérique, je dansais auprès de mes parrains La Joselito et El Ninode Almaden sur les planches mal jointes du Ciné Espoir de la rue du Taur. La Cave poésie n’existait pas encore. Le Grenier de Toulouse réveillait la ville de sa torpeur provinciale. Plus tard, deux lieux atypiques ont vu le jour, créés par deux amoureux du théâtre et de la peinture, René Gouzenne ouvre la Cave Poésie, Simone Boudet sa Galerie.

Si je pense à l’un, l’autre me vient naturellement à l’esprit. Justement parce que c’était le même esprit, la même générosité, le même élan vers les autres. Chacun dans son domaine éduquait audacieusement notre goût. Ils repéraient aussi le talent d’artistes auxquels ils apportaient leur soutien. Tous les deux nous auront offert une belle génération de peintres et de comédiens. Lorsque je croisais René Gouzenne, on se disait qu’il fallait faire quelque chose ensemble... J’aurais aimé danser sur cette voix, mais il m’intimidait et ça en restait là. Je l’ai vraiment rencontré il y a deux ans, alors que je me tournais vers de nouveaux horizons. Il fut mon passeur et quel passeur.

J’avais entrepris de monter une lecture jouée ayant pour sujet l’univers des bagnards « De Brest à Cayenne ».

C’était avec lui ou rien. Avec une simplicité et une générosité incroyables, il a mis à ma disposition son nom, son art de comédien, sa magnifique présence, et sa dignité d’homme qui surmontait les épreuves de la maladie. Il sonnait à la grille de mon jardin, et venait m’offrir son temps, me faisant confiance, me laissant lui suggérer des orientations de jeu. J’apprenais auprès de lui. Ces moments étaient pleins d’affection pudique, et selon les jours, chargés d’une inquiétude qui, de ma part, était mêlée à l’admiration et au respect.

Je l’ai vu studieux par fatigue, mais lorsqu’il laissait aller le texte, quitte à l’ajuster au dernier moment, sa virtuosité faisait parfois trembler, le bougre d’homme retombait toujours sur ses pattes !

Il était évidemment très attaché à son emprise sur le public, mais il avait atteint cette capacité à ne plus "faire le comédien". Son naturel était un vrai régal.

J’aurais tellement aimé aller plus loin dans notre travail...j’espère seulement avoir participé aux points d’ancrage qui lui ont donné la force d’espérer, et lui avoir offert des espaces de paix et d’amitié.

Voilà, pour moi, René c’est tout cela. C’est précieux.

Il a laissé à tous un viatique de dignité, d’intelligence humaine, de goût et aussi le beau cadeau de savoir que tout cela peut cohabiter avec les petits traits de caractère, à condition de prendre de la hauteur.

C’est étonnant de voir combien cet homme a créé de liens avec les autres, qu’ils se soient fait connaître de lui ou non. Dans ce délicieux petit cimetière du Gers où il repose, cette parenté nous a tous unis d’une affection perceptible faite de gravité, d’émotions et même d’humour.

Je me disais, alors que je ne savais rien de lui, ni de sa vie, ni de sa famille en dehors de ma rencontre avec sa fille Geneviève : « C’est bien ainsi ».

Je me retrouve sœur d’une famille nombreuse, qui, avec sincérité, est endeuillée d’un père, d’un ami, d’un Maître, d’un frère... Ce que peut l’art bien partagé, quand il a du cœur !

Il a offert à chacun le temps d’une histoire particulière, intime, faite de conversations, de rencontres et nous sommes nombreux à le remercier d’avoir été là au bon moment, à un carrefour de nos vies. C’est dire combien cet homme aura su transmettre une ardeur, une exigence et une éthique. Il était la « Cave Po », où il est venu jusqu’au bout nous accueillir.

Il était celui dont on venait chercher l’esprit dans ce lieu pétri de sa présence. Aujourd’hui, elle accompagne plus que jamais ceux qui ont été avec lui les pionniers, et ceux qui portent maintenant le flambeau.

C’est dire si René Gouzenne est vivant

Isabel Soler

Quelques arrêts sur image

Il en est qui commencent leurs ascensions spirituelles dans les catacombes, René Gouzenne a commencé la sienne dans une cave, rue du Taur, et il l’aura terminé là aussi. Jusqu’à son dernier souffle, déjà translucide, avec cette lumière étrange de ceux qui sont déjà à moitié fantôme. Il était là planant au-dessus de nous, un peu comme Tadeusz Kantor dans son théâtre. Son sourire nous baignait d’irréalité. Son regard caressait les murs de cette Cave Po au 71 rue du Taur, cette grotte du verbe sur laquelle il avait apposé la paume de la poésie. Dans le salpêtre, l’humidité de l’eau-delà, la barque des textes aura tant navigué, que la mer a fini par venir se lover pour entendre les coquillages de la voix de René lui racontaient Ostende et Brecht et Aragon et Beckett.

Quarante ans pour incarner jusque dans la brique du quotidien, dans les jours incertains, sa haute idée de l’art populaire. Instituteur il fut, militant il sera resté. Homme de gauche, toujours fidèle à ses utopies même si elles tombaient en lambeaux. Il semblait le dernier gardien du temple des illusions lyriques des révolutions d’Octobre. Maintenant il repose sous le drapeau rouge de ses chers amis poètes.

Combattant obstiné, il doutait certainement, mais il ne fallait rien en laisser paraître pour ne pas désespérer ses compagnons de classe. Et quand de ce taudis, que lui avait indiqué la F.O.L dont il était le délégué culturel, il fit l’autel du verbe, il sut qu’il remplissait une mission. Fidèle, lui l’homme de la fidélité, il pouvait enfin tutoyer ainsi Maïakovski. La poésie était bien action. Lui aussi croyait que :

« Un jour ou l’autre,

En 1967 la Cave Poésie ouvrait avec trois tables et un peu plus de chaises, mais si peu. Lieu de résistance des mots, cave contre les bombardements du réel obscène, elle devenait un phare dans la nuit. René Gouzenne l’avait dédié aux mots de son temps, aux textes contemporains, à la poésie qui irradie le monde. "Cave Poésie" quel beau symbole ! Une tanière où l’on se passe entre errants les braises des poètes, et l’incendie du monde est pour bientôt ! Cet abri contre la bise de la bêtise nous aura ensemencé d’espoir.

Dans ce lieu René fera tout. Bénévole et abeille industrieuse, il était partout, réglant les lumières quand il y en avait, balayant, bricolant, accueillant son cher public. Animateur, ou plutôt saint laïc, il était tendu dans sa vocation de passeur de culture. De régisseur du réel, il se prit à dire lui aussi et a passer du côté de la scène. Il devint ainsi comédien. Comédien militant il va sans dire. Dans l’espace de la lampe, dans la clairière des mots, il put vraiment s’accomplir.

Verbe au vent, vérité aux lèvres il est monté sur la barricade des mots, et face à la mitraille des jours mornes. Il a versé le sang des poètes et des roses sont advenues.

Je le connus à cette période, quand avec Danièle Catala, sa flamme et sa femme, ils avaient monté une petite troupe de théâtre qui jouait aussi bien Molière, "Ah monsieur de Molière" en 1980, que des auteurs actuels. En résidence à la Salle Nougaro il était cet être lumineux et modeste, parfois dans les tumultes du couple, toujours dans la houle du verbe. Avide de lectures, embrassant tous les livres, il était pour moi l’archétype de ces hommes du peuple pur et débordant d’amour et de révolte. Profondément de gauche, il voulait faire entendre la parole à ceux à qui l’ont l’avait refusé. Certains ne peuvent marcher qu’avec les arbres et les nuages, lui ne pouvait avancer qu’au milieu des hommes, ses frères.

Voici le mot essentiel pour parler de René : fraternel. La suite de sa trajectoire sera dans la mise en scène, dans les prises de rôle, dans la lecture boulimique et ardente des autres. Combattant pour la culture pour tous, il aura servi de fonds baptismaux à la plupart des artistes toulousains. Dans ce dé à coudre de la création sont passés les plus essentiels : Lareine, Juliette, Mechin, Berthaut, Ruiz, Sandoval, Carette, Jehan,...

Plus qu’un lieu il fit de la Cave Po un atelier vibrant de la vie. La vie lui aura dit merci.

Le 21 juillet 2007 une gerbe de générosité a été fauchée. La mort ne prend même plus la peine de se cacher ou d’attendre dans la rue en ce temps de pierre. Il est passé :

« Ne touchez pas l’épaule du cavalier qui passe, il se retournerait et ce serait la nuit" »(Jules Supervielle).

Le cavalier Gouzenne est déjà loin, nous ne lui toucherons pas l’épaule, car irréductible il continue à vouloir nous faire nous dépasser et non pas nous lamenter et nous consoler.

Merci René pour tous tes apprentissages et tes voyages vers la terre promise de l’humanité des textes.

« Le front dans la clarté, libation de l’espoir,

Rien n’obscurcira la beauté de ce monde ».

(Ilarie Voronca, Beauté de ce monde.1940.)

Gil Pressnitzer

La Cave Po

Entre salpêtre et infini

Dans la nuit éparse de la rue du Taur, le taureau de la poésie aura déposé le corps vibrant et toujours ensanglanté des mots au bas d’une cave.
Cave étrange creusée dès 1967 par les mains ferventes de René Gouzenne et ses amis, avec les gravats du vieux monde au pied, trois tables, quelques chaises pour tenir face à la marée des lobotomies sociétales. Elle sera les catacombes de ces quelques fidèles qui se reconnaissaient entre eux par le mot de passe : « Poésie et ferveur toujours ».
La houle des paroles proférées faisait cristal contre le salpêtre des jours gris et de l’humidité gisant dans le cœur des hommes. Cet abri contre la bise de la bêtise nous aura ensemencés d’espoir. L’ombre de cette cathédrale laïque nous aura apporté bien plus de fraîcheur sacrée que sa voisine.
Dans cette tanière l’on se passait entre errants les braises des poètes, et l’incendie du monde était pour bientôt, nous le jurions !
Entre salpêtre et infini nous vivions debout.
Dans l’espace de la lampe, dans la clairière des mots, tout fut accompli.
Pluie douce de refus contre la soif imposée et le déluge des conformismes, la Cave Poésie fut notre rosée. Flamme et pluie ensemble.
Verbe au vent, vérité aux lèvres, René Gouzenne était monté sur la barricade des mots, et face à la mitraille des jours mornes, il a versé longtemps le sang des poètes et des roses sont advenues. Certains ne peuvent marcher qu’avec les arbres et les nuages, lui ne pouvait avancer qu’au milieu des hommes, ses frères.
La fraternité était l’étoile verte qui faisait de ce lieu un navire de haut bord illuminant les fronts dans sa clarté. Les ténèbres reculaient.
Phare de la culture pour tous, la Cave Poésie a servi de fonds baptismaux à la plupart des artistes toulousains. Dans ce dé à coudre de la création sont passés les plus essentiels : Lareine, Juliette, Mechin, Berthaut, Ruiz, Sandoval, Carette, Jehan,...
Petite fabrique de rêves, pour le tissu des buées des nuits premières.
Et l’horizon nous pénètre et redit les paroles dites depuis 44 ans.
La Cave Po aura été un atelier vibrant de la vie.
La vie lui aura dit merci.
Gil Pressnitzer