Boubakar Traoré

Le grand livre du Mali

Pour certains initiés, Boubacar Traoré, est le plus grand chanteur d’Afrique. Ce griot du Mali a marqué toutes les générations de chanteurs africains. Reconnu sur le tard comme la mémoire la plus authentique de notre Afrique-mère, il recommence une véritable carrière, plébiscité par tous.Sa profondeur et sa simplicité, son universalité aussi, fascinent immédiatement, et ce blues africain est en train de faire chavirer la France, Boubacar Traoré, toujours aussi humble et simple est devenu « L’emblème de l’Afrique ». Un grand sage, un maître nous parle par sa voix, son vécu, sa voix qui coule comme un fleuve lent, lourd des limons de la vie.
D’un exil lumineux et plus lointain déjà que l’orage qui roule...Comment garder les voies que vous nous aviez livrées.Ne nous laissez plus dans la confusion du soiraprès un si long jour,nous avoir nourri du sel de notre solitude, témoin de vos silences, de votre ombre et de vos grands éclats de voi.(Saint-John Perse Éloges).

Cette prière nous l’adressons à Boubacar Traoré, dont le surnom est Kar-Kar, un « blouson noir » comme on l’appelle au Mali, dont il chanta et porta l’indépendance jusqu’à l’aveuglement.
II est aussi important à la négritude qu’Edouard Glissant, Senghor ou Aimé Césaire. Héraut d’un peuple durant les années soixante, voix à la radio planant sur tout le pays avec des chants comme Mali twist ou Kageha, il restait aux portes de la gloire et de la misère. Et puis vingt ans d’oubli, de solitude si pleine d’ombre que les Maliens le croyaient mort. Ainsi de 1968 à 1989 il sera invisible comme vent dans la savane.

Et en 1987, l’ombre de ce grand oiseau passa à nouveau sur toutes les faces. Enfin il allait se lever et toute la terre africaine à nouveau allait tressaillir à la voix de ce guerrier, qui gardait les portes du fleuve de la mémoire. De nouveaux malheurs, l’amertume stérile de l’exil, et Kar-Kar va désormais chanter dans des lieux improbables de tous les bannissements.El la rumeur s’enfle dans tous ces foyers d’immigrés d’où monte la brûlure de son chant d’éternité.
Kar-Kar avec sa seule guitare chante l’hier, l’ailleurs, et son pays d’antan, le Mali éternel.Pour le reste de sa vie, ce grand arbre, cet homme solide évoque les sorciers qui mettaient la nuit en transes, et les rêves de toute une génération grâce à lui reprennent la route.Le griot du Mali, humble et désintéressé, parle à la pointe des lances de ses paroles, à la force de son rire et de sa tristesse toujours présente.« Un homme meurt, mais sa renommée ne meurt pasEnfants du Mali, vous mourrezMais votre renommée ne mourra pasMoi, je mourraiMais ma renommée ne mourra pas
Enfants du Mali.
Ici les noms ne meurent pas ».

Kar-Kar chante cela dans « Sa Golo » (la peau du serpent) ainsi que les amours heureux ou malheureux, les grands anciens, un certain blues du Mali aussi, car le Mississipi doit couler jusqu’à Bamako, certains soirs trop lourds à porter.Boubacar Traoré n’est pas un artiste qui se produit, qui se reproduit. Parfois quand cela lui chante, il prend sa guitare et chante pour ses amis, pour le monde qui l’entoure et pour faire reculer les arbres secs. Vénéré par Ali Farka Touré, il est une légende vivante,et promène sa nonchalance en musique sur les grandes pistes de l’amitié.
Gardien d’un Mali éternel, il est à lui tout seul, le livre des plus vieilles chroniques, des secrets échangés aux lisières de l’ombre. Kar-Kar est poignant dans la solitude de sa voix, et l’écho simple de sa guitare.
Sans âge, sans tristesse, il égrène sa poésie du silence, lui le plus grand chanteur de l’Afrique. Il vous attend un peu mélancolique, assis à l’ombre de ses mots, au seuil de sa guitare, sa casquette vissée sur sa tête comme une complainte. Dans son derneir disque Kongo Mani il affirme avec espoir et naïveté un message généreux : « Kongo Magni signifie littéralement « la faim ce n’est pas bon ». Car actuellement une partie de l’Afrique est dévastée par des guerres, le sol est usé du fait de la sécheresse, ce qui engendre des soucis pour cultiver la terre. Et la famine n’augure rien de bon, c’est une mise en garde pour les personnes inconscientes. L’agriculture est essentielle. En travaillant la terre, le Mali et l’Afrique seront autosuffisants et n’auront plus besoin d’importer certains aliments. »
Nous aurons toujours besoin « d’importer « la voix de Boubakar Traoré et « sa musique thérapeutique »
Sa voix puissante resurgit du néant, et vous ne l’oublierez plus jamais.

Gil Pressnitzer

Discographie

Mariama (1990)

Kar Kar (1992)

Les Enfants de Pierrette (1995)

Sa Golo (1996)

Maciré (1999)

Je chanterai pour toi (2003)

The Best of Boubacar Traoré: The Bluesman from Mal i (2003)

Kongo Magn i (2005)