Marie-Josée Vilar
Un Chant au milieu de la marjolaine et de la cruauté du monde
Nostalgie, nostalgie!
Ce qui en toi est bien
Nostalgie, nostalgie
C’est que tu ne sers à rien.Marie-Josée Vilar est auteur-compositeur et interprète, certes mais quel chanteuse!
A jamais vous serez pris aux tripes et à l’âme, qui d’ailleurs ne sont pas loin l’un de l’autre.
Une des plus grandes, une des plus écorchées vives.
« J’aime beaucoup écouter Marie-José Vilar et ses chansons qui ne doivent rien à personne, et j’espère ne pas être le seul » Georges Brassens.
Mais non mon bon Georges tu n’es pas le seul.
Onze albums à ce jour l’auront laissé dans l’ombre des gloires formatées. Elle vit, elle existe, elle crie son anarchie, son refus absolu de l’indifférence.
Ce petit bout de femme est avec quelques rares autres, une des dernières stations de la chanson française avant l’autoroute des mots vides.
Chaude, tendre et ironique à nulle autre pareille, elle est "femme espoir et nostalgie" et révoltes.
Longtemps marginalisée, longtemps retournée au silence, elle continue son chemin le regard posé sur le secret des êtres, l’énigme des amours.
« Et partout ton absence… Dans le froid neuf elle danse
Mélangée aux marrons chauds
Qui fument sur le pont des Arts »Marie-Josée danse dans la chaleur de nous. Elle nous dit les petits désespoirs quotidiens, les larmes rentrées, les ironies des jours, elle nous dit la vie sans décor, ni magie, ni tralala. Elle sait les "Autos tamponneuses" des rapports affectifs. Elle connaît les chemins des intimités.
Il faut marcher longtemps
Dans les forêts profondes
Celles qu’on porte en dedans
Celles qui couvrent de leurs feuilles
le monde.Marie-Josée Vilar chante l’insomnie des grands soirs, l’espoir qui ravive la vie et son contour.
Des disques nous ont porté sa parole fraternelle : « Je te donne" "Nostalgies, Nostalgies", "Temps calme", "Au secours vlà l’amour".Des chansons courent comme des souris grises en nous, et pour toujours : Carmen P., l’ortie et le lierre, les petites filles en dentelle, bien sûr les mots, lundi 30 avril, la passerelle, Café-tabac....
Et bien d’autres qui toutes se demandent si l’ombre d’un bonheur est possible encore.
Marie-Josée Vilar vaille que vaille, comme Michèle Bernard, a poursuivi sa route cahoteuse de chanteuse avec bien des haltes prolongées. Et toujours, chez cette petite protégée de Georges Brassens, cette volonté entre silence et révolte d’échafauder en chansons une vie mode d’emploi, faite de vagabondages, d’amours déteints, de désespoirs couleur glycine, d’espoirs moqueurs.
Son écriture extrêmement sensuelle, ses bouts de portraits de la vie qui va avec ses rencontres et ses absences, son miel et son fiel, tout cela fait un univers unique. Sa voix d’une grande beauté est une rivière de velours sombre.
De cette maladie privilégiée qu’est l’amour, Marie-Josée Vilar est un témoin attendri, pleine de « trésors de faiblesse et de fenêtres de peau ».
Marie-Josée Vilar chante, avec sa voix de ruisseau sombre les clartés confuses de la vie, les choses sans valeur qui font notre étoffe, ce linge qui sèche toute notre vie en nous.
Au point où nous en sommes vous avez dû deviner que j’aime cette chanteuse si droite, si morale dans ses mots et ses exigences. Je l’ai connu enceinte sur les scènes, puis retiré du monde de pacotille, puis revenant ses chansons à son cou.
Toujours envoûtante.
Marie-Josée discrète et magnifique, chante une certaine liberté : celle de résister à la chute, de laisser la lumière allumée derrière soi.
Merci Marie-Josée de continuer à chanter pour chacun de nous comme si nous surprenions un secret, des blessures souriantes, des pluies d’espoir.
Ma petite fille en dentelles
Il y a les nuits de lune
Où la vie est plus belle
Que tout ce qu’en racontent
Les plumes....
Quelque part, tes fantaisies de mots, la beauté sourde de ta voix, celle de cette petite fille au-delà du miroir de ses mots, enfin toi quoi, nous redonnent le goût de la vie et de toutes ses choses.
Marie-Josée Vilar, nostalgie et révolte, chante tout le chemin parcouru depuis l’ortie et le lierre jusqu’à l’amour qui fait peur et espoir.
Marie-Josée Vilar : Le goût de la vie et de toutes ses choses. Et on ne saura jamais si c’était triste ou gai. Jamais.
Marie-Josée Vilar : Chanteuse irréaliste qui sait « ce que raconte la lavande » et les pavés des jours qui s’effritent.
Gil Pressnitzer
Textes de Marie-Josée Vilar
LA CHAMBRE 54 (1981)
Pour toi seul dans la chambre 54
pour toi seul j ’me suis mise à quatre pattes
y ’a qu ’toi qui m’aies fait changer d’partie
toi seul’ment m’as fait changer d’courant
Pour toi seul dans la chambre à quatre pattes
pour toi seul je m’suis pliée en quatre
y’a qu ’loi qui m’aies fait changer d’avis
toi seul’ment m’as fait changer d’tourment
J’suis en r’tard pour la vie en couleur
sur le tard quand ton souv ’nir m’écœure
à me voir même les lézards en pleurent
sur le tard dans ton souv ’nir terreur
Rien ne dure dans ta vie jusqu’au bout
mais j’ le rassure j’ te porte autour d’mon cou
ton amour tu m’en as fait cadeau
seulement pour être sur la photo
Exclusive la femme est mal sexuée
maladive dans l’besoin d’humilier
mais y ’a qu ’toi qui m’aies menée en bateau
depuis mon milieu jusqu’à mon point zéro
Je l’ai aimé jusqu’à la moelle de mes os
je t’ai quitté tu m’en as fait beaucoup trop
je t’ai perdu pour un enfant dodu
qui viendra par le même trou de mon cul
SI je m’enfonce dans les coussins de la mémoire
je veux des ronces pour m’empêcher d’y aller voir
je garde rien à part peut-être un cri
trop distinct selon moi je t’le dis
c’est fini
CARMEN P. (1978)
Carmen, du fond de ta boule de cristal
Ma vie est-elle originale ou pas ?
Carmen, comme une grenouille dans son bocal
Tu m ’fabriques une vie animale
Y’a eu un viol d’oiseau dans ton ventre chaud
Et j’suis devenue un poisson dans ton eau
Moi qui n’avais pas plus de peau que d’os (bis)
Après, les chemins de la communale,
L’enfance tout à fait banale ; sans joie
Carmen, dans ton sommeil de gardénal
Tu m ’fabriques une vie cérébrale
Et tout juste ce type avec ses mains un peu sales
Qui s’est approché de moi matinale
Moi qui avais un sexe végétal (bis)
Plus tard, te premier homme alain Tégral
La vérité fondamentale, sans toi
Carmen, quelle drôle de vie pleine de dédales
Où toi et mol on se trimballe
A peine le temps pour nous de se dire qu’on s’aime
De se faire un voyage en Aquitaine
Qu ’il faut entrer dans un drôle de système (bis)
Et puis...
CAFÉ-TABAC (1978)
Chacun de nous mourra seul
Mais moi je mourrai sans toi
Mon amour je m’ saoule la gueule
Dans ce café-tabac
où une star vient chaque soir
Poser son cul près du bar
Sous les caméras-regards
D’un drôle de cinéma
Des gens qui s cassent
Un vieux type qui trépasse
J’y vois dans la glace
Quelqu’un d’autre à ma place
M’asseoir sur le bord du ring
Pour voir de près quand ça swingue
Foutre le camp en sleeping
Dès que ta peur est là
Tire-toi de nos nuits standard
Et moi je reste sans toi
Mon amour tout le monde se barre
De ce café-tabac
Moi j’me déplace
Comme une limace
J’ vois dans ta glace
Quelqu’un d’autre à ma place
Chacun de nous mourra seul
Et moi je mourrai sans toi
Mon amour je m’ saoule la gueule
Depuis qui ’je sais que je suis seule
L’ORTIE ET LE LIERRE (1978)
Au profond du marais
La maison se perd à demi
Dedans l’ortie et dans le lierre
Les flancs du bateau frappent l’eau
Les chapeaux-feutre se soulèvent
En revenant des cimetières
Les amis mourront bien un jour
Et entre deux chagrins je cours
Dans le vieux vent et la bruyère
Le ventre de ma mère est tel
J’y retournerais bien dedans
Redevenir le planisphère
Où elle posait ses mains souvent
Je voudrais du bleu tout autour
De nos abominables jours
Et que nos rêves aient encore cours
Au moment où la mort maraude
Te recouvrira de terre chaude
À moins qu’avant ce soit mon tour
En attendant voilà
Toute ma maison est en fête
Chaque fois que tu viens me voir
L’eau chante dessous les bateaux
Les chapeaux-feutre se soulèvent
En rentrant des anniversaires
Nous avons souvent titubé
À l’orée des poubelles pleines
Puis tu es partie faire pousser
Tes petits dans la marjolaine
Bien des amis se sont perdus
Et depuis d’autres sont venus
I! y a ceux qu’on ne croit plus
Mais nous boirons encore le genièvre
Toi et moi près des cathédrales
Ou au sommet des réverbères
Pour toi je veux le clair du jour
Et que les oiseaux l’accompagnent
Et qu’on se dise tu, toujours
Mon amie je vais tricoter
Notre restant d’adolescence
Au fil de nos vieilles années
Qui paresseusement commencent
Puisque tu fais mes souvenirs
Avec de ta dentelle autour
Ceux de ma boutique aux amours.
Polychromes
LUNDI 30 AVRIL.
Je n ’voulais pas vous perdre
vous que j’ai aimé de près,
emmêlée dans ce verbe,
difficile d’accès
Je n ’voulais pas vous prendre
à contre-temps du temps
mais, vous souhaiter plus tendre
était inconvenant
Prenez une caresse
j’en ai un plein ballot
ouvrez-la, sans tristesse,
avec votre couteau
Vous y verrez vos fesses
mes moins sur votre dos,
des trésors de faiblesse,
des fenêtres de peau
Les abonnés de l’amour
ne sont pas bien nombreux
et, c’est ce bruit qui court
" y’a pas d’amour heureux"
Vous vouliez de la liesse,
l e jus de la nana,
ce jus de fruit qui laisse
les fiancés babas
Je me souviens de vous,
vous étiez un cadeau
Mai soixante et huit
Mon amour, mon amour
Mon bel amour sans suite,
Il soufflait de beaux jours sur
Mai soixante et huit.
Je te tournais autour,
Mon bel hermaphrodite,
Nous avions libre cours en
Mai soixante et huit.
Nous avions mon amour
Les pavés pour le rite,
Les flics et les tambours des coeurs
quand ils palpitent.
Je te tournais autour,
Mon bel amour sans suite,
Nous avions libre cours en
Mai soixante et huit.
La joie était certaine,
Paris cosmopolite,
Nous avions dans les veines du sang
pour courir vite,
Même très bien chaussée
La marée et sa suite
Ne pouvaient presque pas empêcher
notre fuite.
Paris, dans ses faubourgs,
De jolis feux crépitent,
A l’Odéon théâtre la jeunesse médite,
C’est jouer sur du velours
Que se jouer den mythes
Le passé est un lourd insecte qu’on évite.
Puis mon amour, un jour,
La jeunesse s’effritte
Dans le chagrin douteux -
des ventres qui nous quittent,
Le bonheur, mon amour
Peut-être on le mérite,
Main ça finit toujours par une mort subite.
Il n’est pas nécessaire
Q ue tout cela s ébruite,
Laissons donc courir l’air parmi nos réussites,
Laissons dans non tiroirs
Tous nos satisfecit,
In seront la mémoire de Mai soixante et huit.
Les petites filles en dentelle
Les petites filles en dentelle
n’ont plus peur au fond des bois
elles jouent à la marelle
les loups ne viendront pas
leurs mères ont la voix claire
des femmes d’autrefois
mais elles n’ont plus la jupe légère
je crois, je crois
Louisa, mon enfant
mon velours mon point précis
près de moi ton infini
ma beauté ma fenêtre
il est temps d’écouter tomber la pluie
sur les Temples de Paris
fabriqués par leurs maîtres
avec le foutre d’ange
on a mis sur la table
en vrac du jus d’orange
deux, trois guerres
des déchets, du sable
et la mer avec son grand va-et-vient
pour les surfeurs et les requins
aussi pour les sirènes
mon amour
que faire par les temps qui courent
te protéger des discours
et des gens respectables
Il faut marcher longtemps
Dans les forêts profondes
Celles qu’on porte en dedans
Celles qui couvrent de leurs feuilles
le monde
et puis ta peau tendue comme un tambour
te diras quand c’est l’amour
mais ta peau seulement et rien d’autre
Moi le jour où nous serons séparées
je poursuivrai cette idée
jusqu’aux étoiles
ma petite fille en dentelles
il y a des nuits de lune
où la vie est encore plus belle
que tout ce que racontent les plumes
Discographie
D’abord son site personnel:http://www.mariejoseevilar.com/paginas/presentation.htm
*Un chat c’est un chat 1969
*Ne me dites jamais 1970
*Mais nos amours fous ne sont pas au même endroit 1976
* Fruits et primeurs 1978
*On ne saura jamais si c’était triste ou gai 1981
*Nostalgies, nostalgie 1988
*Temps calme 1991
*J’te donne 1993
*Au s’cours v’là l’amour 1995
*Duende 1998
*Vies privées 2001
*Magie et tralala 2004