Peio Serbielle

Hommage

Depuis ses débuts en 1987, Peio Serbielle a choisi de chanter en langue basque. Cette langue étrange et têtue qui défie l’impérialisme des mots qui nous inondent, le centralisme jacobin de la langue unique, cette langue qui résiste de l’intérieur des hommes, de l’intérieur des paysages.
Natif de Mauléon, Peio a fait la démarche d’aller s’immerger vers 18 ans, dans l’océan de son passé en apprenant ces sonorités âpres et fabuleuses, ces formules rituelles et magiques, sortes d’amulettes contre le mal qui court.Et depuis Peio poursuit sa passion basque, invente la nuit et surtout va vers « cette chose essentielle qui est l’homme ».Cet engagement lui a d’ailleurs valu d’être emprisonné longuement pour complicité. Complicité de quoi ? Pacifiste, il ne se bat que pour une langue, une culture.

« Le basque ne marche pas vers la lumière mais est repoussé par l’obscurité » a dit l’écrivain basque Bernardo Axtaga.
Ayant pris conscience de l’extraordinaire légèreté de l’être humain, de la quotidienne quintessence, comme il l’écrit, il met dans ses vers les êtres et les choses, il donne vie aux jours et aux moindres instants.Qu’il chante les vers de la poétesse Itxard Borda ou les siens, les paroles et la musique de Peio Serbielle n’empruntent que les chemins primordiaux, qui vont de l’homme à l’homme.Si parfois l’ampleur de la voix et de son imaginaire peuvent faire penser à Lluis Llach, ses paysages, ses espaces, mélangeant calme et tourmente, sont bien à lui.Et il reste ouvert à toutes les rencontres de Denez Prigent à Nilda Fernandez, demeurant riche de toutes ces différences.Sa langue minérale, comme des incantations perdues nous parle du vide, de la nuit irréversible, mais aussi de Sarajevo.«Je conserve en mémoire, sur le bec du dernier merle, ce temps de mon enfance entre la rivière et la forêt» chante Peio en attente de jours meilleurs, de fraternité retrouvée, d’hypocrisie déchirée.

Passant ses journées dans la poésie, et ses nuits dans la douleur, Peio Serbielle témoigne tout autant de la condition humaine que de sa passion basque. Mais ces témoignages d’amitié que sont ses chansons prennent, dans cette langue hautaine et qui ne se rend pas, que l’on ne comprend pas, valeur d’exorcisme, poids d’onirisme.Tradition et modernité enlacées, Peio chante pour nous éveiller, nous réveiller.«Le tout est de rester en éveil, la seule façon de rester vivant », et dans les sentiers de ses chansons, prenant appel sur sa terre incomparable, Peio Serbielle se fait humblement corne de brume pour inventer notre nuit. –« Quand on marche au pays basque, on devient contemplatif ».

Quand on écoute Peio Serbielle la nuit étoilée s’approche : celle des rêveurs, et non pas celle des amnésiques, la nuit qui nous sort du tunnel.

« Mes regards fusillent toujours le même vide, hostile à mon rêve » chante Peio, et ses chansons en basque universel rendent le rêve propice à la vie.

Peio a connu l’obscurité de l’enfermement pour une accusation de complicité avec les mouvements basques, qu’il a toujours nié. Enfin il revoit le soleil qui l’attendait en faisant impatiemment les cent pas dehors, et il peut recommencer à chanter haut et fort.

« être ancré dans une terre, tout en regardant les étoiles » dit fiérement la page d’accueil de son site. Peio Serbielle a tenu parole.

Et il dit plus loin « Je n’ai guère plus trouver d’autre échappatoire que dans l’imaginaire ».
Belle echappée !

Gil Pressnitzer

Discographie

Naiz, 2008
Egon, le chantdes légendes basques (collectif) 2006
Euskadi kanta lur 1997
Zuk Egin Gaua 1994
Peio Serbeille 1992 et 1989